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L'Otan se renforce aux portes de la Russie, Moscou dénonce son "agressivité"


Mercredi 29 juin 2022 à 14h16

Madrid, 29 juin 2022 (AFP) — Réunis pour un sommet crucial à Madrid, les pays de l'Otan vont renforcer leur présence militaire aux portes de la Russie et valider l'élargissement de l'Alliance à la Suède et à la Finlande, un mouvement jugé "agressif" et "profondément déstabilisateur" par Moscou.

L'Otan se trouve "à un moment pivot" de son histoire, a déclaré le secrétaire général de l'organisation, Jens Stoltenberg, en ouvrant les débats auxquels participent l'ensemble des dirigeants de l'Alliance jusqu'à jeudi.

Lors de ce sommet, destiné notamment à réviser la feuille de route de l'Alliance pour la première fois depuis 2010, "nous allons dire clairement que la Russie représente une menace directe pour notre sécurité", a poursuivi M. Stoltenberg.

Cette rencontre, plus de quatre mois après le début de l'invasion russe de l'Ukraine le 24 février, va avaliser le renforcement de la présence militaire sur le flanc oriental de l'Otan, qui va par ailleurs porter le nombre de ses forces à haut niveau de préparation à plus de 300.000 militaires.

"C'est la réorganisation la plus importante de notre défense collective depuis la Guerre froide", a insisté M. Stoltenberg.

"Nous sommes au rendez-vous" et "nous prouvons que l'Otan est plus nécessaire que jamais", a insisté le président américain Joe Biden qui a annoncé pour sa part un renforcement de la présence militaire américaine dans toute l'Europe et notamment dans les Etats baltes.

- "Plus d'Otan" -

S'exprimant en visioconférence devant les dirigeants de l'Alliance, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé mercredi un soutien accru de l'Otan, pour permettre à Kiev de faire face aux forces russes.

"Pour que nous brisions la prépondérance de l'artillerie russe, (...) il nous faut beaucoup plus de ces systèmes modernes, de cette artillerie moderne", a indiqué M. Zelensky, en précisant que Kiev avait besoin "d'environ 5 milliards de dollars par mois" pour assurer sa défense.

Les pays de l'Otan, qui ont déjà fourni des milliards de dollars d'aide à Kiev, doivent convenir à Madrid "d'un programme d'assistance complet à l'Ukraine pour l'aider à faire respecter son droit à la légitime défense", selon M. Stoltenberg.

La Norvège a parallèlement annoncé mercredi l'envoi à l'Ukraine de trois batteries de lance-roquettes à longue distance MLRS. Mardi, les ministres de la défense allemand et néerlandais avaient eux annoncé la livraison de six obusiers supplémentaires.

Le président russe Vladimir Poutine, qui avait notamment justifié l'offensive contre l'Ukraine par la crainte d'un nouvel élargissement vers l'est de l'Otan, "espérait moins d'Otan sur son front occidental à la suite de son invasion illégale de l'Ukraine", mais "il s'est complètement trompé": "il obtient plus d'Otan", a insisté le Premier ministre britannique Boris Johnson.

- Veto turc levé -

Le sommet de Madrid va être également l'occasion de lancer le processus d'adhésion de la Suède et la Finlande, qui ont décidé de rejoindre l'Otan en réaction à l'offensive russe en Ukraine, rompant avec une longue tradition de non-alignement militaire.

Cette adhésion était jusqu'à présent bloquée par la Turquie, membre de l'Otan depuis 1952, qui accusait notamment Stockholm et Helsinki d'abriter des militants de l'organisation kurde PKK, qu'Ankara considère comme "terroriste".

Mais au terme de longues tractations, la Turquie a donné mardi soir son accord à l'entrée dans l'Otan de ces deux pays nordiques, le président turc Recep Tayyip Erdogan ayant estimé avoir obtenu leur "pleine coopération" dans sa lutte contre le PKK.

La Turquie a ainsi annoncé mercredi qu'elle allait réclamer à Stockholm et Helsinki l'extradition de 33 personnes qu'elle considère comme des "terroristes".

Cet élargissement de l'Otan aux deux pays nordiques, dont l'entrée formelle doit être ratifiée par les parlements des 30 Etats membres et prendre plusieurs mois, a suscité mercredi la colère de Moscou, qui a dénoncé un mouvement "agressif" à l'égard de la Russie.

C'est "un facteur profondément déstabilisateur pour les affaires internationales", a dit le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov.

Dans un communiqué, la diplomatie russe a également menacé de représailles la Norvège, accusant ce pays membre de l'Otan de bloquer le transit de marchandises à destination des Russes installés sur un archipel arctique norvégien, le Svalbard.

- "Guerre de macho" -

Le sommet de l'Otan se déroule alors que l'Ukraine continue sur le terrain de payer un lourd tribut: les autorités ukrainiennes ont ainsi fait état mercredi de plusieurs frappes meurtrières contre des civils, notamment dans les régions de Mikolaïv (sud) et Dnipro (centre-est).

Ces frappes sont survenues deux jours après une attaque qui a ravagé un centre commercial bondé à Krementchouk, à 330 kilomètres au sud-est de Kiev, faisant au moins 18 morts et une quarantaine de disparus, selon le gouvernement ukrainien.

Lors d'une intervention en direct mardi soir devant le Conseil de sécurité de l'ONU, Volodymyr Zelensky a demandé l'envoi d'une commission d'enquête et réclamé que la Russie soit expulsée de son siège permanent, dénonçant "l'un des actes terroristes les plus éhontés de l'histoire européenne".

Malgré les quelques avancées des troupes russes sur le terrain ces derniers jours, le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a estimé mercredi que la Russie avait "échoué sur tous ses objectifs majeurs".

Les troupes russes ne progressent que de "quelques centaines de mètres sur plusieurs jours", pour un "coût massif" pour Moscou, a-t-il assuré dans un entretien à la radio LBC, en estimant à "25.000" le nombre de soldats tués côté russe depuis le début du conflit.

Un bilan attribué par Boris Johnson à la "toxicité masculine" de Vladimir Poutine. "Si Poutine était une femme, (...) je ne pense vraiment pas qu'il se serait embarqué dans cette guerre folle de macho", a estimé le Premier ministre britannique sur la chaîne de télévision allemande ZDF.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.