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L'offre faite aux Kurdes risque de mécontenter tout le monde (analystes)


Samedi 14 novembre 2009 à 16h36

ANKARA, 14 nov 2009 (AFP) — Les mesures limitées annoncées à Ankara en faveur de la communauté kurde ne convaincront pas les rebelles de déposer les armes et elles provoquent déjà la colère de l'opposition nationaliste, qui accuse le gouvernement de céder au "terrorisme" kurde, estiment des analystes.

Vendredi, lors d'une séance tumultueuse au Parlement turc, le ministre de l'Intérieur a annoncé les premières mesures concrètes du plan d'"ouverture démocratique" du gouvernement en faveur des 12 millions de Kurdes de Turquie, qui compte au total 71 millions d'habitants.

Une initiative destinée à terme à saper le soutien dont jouit, au sein d'une partie de la population, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le mouvement armé en lutte depuis un quart de siècle pour l'indépendance puis l'autonomie du sud-est du pays.

Parmi les mesures annoncées: l'autorisation pour les villes et villages kurdes de retrouver leurs noms originels, une levée de l'interdiction d'utiliser le kurde dans les activités politiques, et l'autorisation aux détenus kurdes de parler leur langue, lors des visites de familles.

Le gouvernement va aussi créer des commissions indépendantes pour prévenir les discriminations et les actes de torture par les forces de sécurité, a expliqué M. Atalay.

Mais ces décisions sont peu de choses, après des mois de suspense créé par un gouvernement qui faisait miroiter la perspective de "mesures courageuses" pour mettre fin à des années de "bains de sang et de souffrances", estime l'analyste Murat Yetkin dans le quotidien libéral Radikal.

"Le PKK n'abandonnera pas ses repaires, dans les montagnes, parce qu'il y a l'annonce d'une commission sur les droits de l'Homme et que les gens peuvent utiliser leur langue maternelle en prison", écrit-il.

Le PKK veut que le gouvernement cesse ses opérations militaires, donne aux Kurdes une reconnaissance officielle dans la constitution, autorise l'éducation en kurde et qu'il propose une solution aux rebelles, pour qu'ils mettent un terme à un conflit qui a fait au moins 45.000 morts depuis 1984.

Samedi, il a rejeté l'initiative gouvernementale, la jugeant "superficielle".

"La question kurde ne peut pas trouver de solution sans la reconnaissance de la volonté du peuple kurde et sans dialogue avec ses représentants", a déclaré le mouvement dans un communiqué transmis par l'agence pro-kurde Firat.

Devant le parlement, M. Atalay a certes évoqué la nécessité d'une nouvelle constitution, plus libérale, mais il a écarté toute modification des articles clé qui font de la Turquie un Etat unitaire avec une seule langue, le turc.

"C'est là que le bât blesse", car les militants kurdes veulent une nouvelle constitution, estime un autre commentateur, Guneri Civaoglu, dans le journal Milliyet (populaire).

Et même si le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir est majoritaire au Parlement, il ne dispose pas des 367 sièges sur 550 nécessaires pour changer la constitution.

Vendredi, l'opposition s'est déchaînée.

Le dirigeant nationaliste Devlet Bahceli a accusé le gouvernement de négocier avec une bande de terroristes, et le leader de l'opposition Deniz Baykal l'a soupçonné de vouloir "détruire et démanteler la Turquie".

Le gouvernement islamo-conservateur est bien seul avec son initiative pro-kurde et prend le risque de faire "monter la tension, qui est déjà forte dans le pays", affirme Husnu Mahallin dans le journal Aksam (populaire).

"Le Premier ministre (Recep Tayyip) Erdogan devra choisir entre électeurs kurdes et les électeurs nationalistes", ajoute-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.