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L'Irak élit des conseils provinciaux pour la première fois en dix ans


Lundi 18 decembre 2023 à 13h27

Bagdad, 18 déc 2023 (AFP) — Les Irakiens élisent lundi les membres de leurs conseils provinciaux, premier scrutin du genre en une décennie qui servira à consolider les partis chiites pro-Iran au pouvoir, même si à la mi-journée la participation ne dépassait guère les 20%.

Passé dans l'opposition, l'influent leader religieux chiite Moqtada Sadr boycotte ces élections se déroulant dans 15 provinces. Dans un pays de 43 millions d'habitants, riche en hydrocarbures mais miné par une corruption endémique, la désillusion domine.

Lundi midi, le taux de participation était de 17%, a annoncé un responsable de la commission électorale, le juge Omar Ahmed, lors d'une allocution télévisée.

"Le nombre d'électeurs devrait augmenter dans l'après-midi et en soirée", a-t-il estimé, appelant les Irakiens à voter "pour contribuer au succès du processus électoral, qui se déroule dans un climat sûr et stable".

Les bureaux de vote ferment à 18H00 (15H00 GMT). Dans la matinée, des journalistes de l'AFP avaient constaté une faible affluence dans trois bureaux de vote de la capitale Bagdad, mais aussi dans les villes de Najaf, Bassora et Nassiriya, (sud).

"Si je ne vais pas voter, si personne d'autre n'y va, ce sera la jungle", confiait à l'AFP Amin Saleh, fonctionnaire de 63 ans, dans un bureau de vote de la capitale irakienne. "Il faut un élu qui serve véritablement (sa circonscription), comment l'avoir si ce n'est en votant?", plaide-t-il.

Le scrutin est un test pour le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani. Nommé par une coalition de partis pro-Iran, il fait valoir sa politique de développement des services publics et des infrastructures, ravagés par des décennies de conflits.

"La participation sera l'indicateur ultime de satisfaction", explique à l'AFP Renad Mansour, du centre de réflexion Chatham House. "La question est de savoir si le populisme économique du gouvernement -- la distribution d'emplois (dans le secteur public) -- marche et attire ou non le jeune public".

- "Base sociale" -

Instaurés après l'invasion américaine et la chute de Saddam Hussein en 2003, les conseils municipaux jouissent d'importantes prérogatives: élection du gouverneur de la province et allocations des budgets de la santé, des transports ou de l'éducation.

Leurs détracteurs voient dans ces conseils des nids à corruption favorisant le clientélisme.

Quelque 17 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour départager 6.000 candidats se disputant 285 sièges dans les provinces concernées.

Des résultats "préliminaires" sont attendus mardi, 24 heures après la fin du vote, selon la commission électorale.

Le scrutin devrait consolider des factions du Cadre de coordination, coalition pro-Iran représentant partis chiites et anciens paramilitaires du Hachd al-Chaabi, intégrés aux forces régulières.

Pour certains poids lourds de cette alliance dominant le Parlement, les élections sont une "opportunité" pour "prouver qu'ils ont une base sociale et qu'ils sont populaires", souligne M. Mansour. D'autant que des législatives se profilent déjà en 2025.

Quant à Moqtada Sadr, grand acteur de la scène chiite, il avait annoncé son retrait de la vie politique, après un bras de fer avec ses adversaires marqué par des affrontements meurtriers à l'été 2022.

- "A quoi ça sert?" -

Lors d'une révolte anti-pouvoir à l'automne 2019, les conseils provinciaux avaient été dissous par le Parlement. Mais le gouvernement de M. Soudani a validé leur rétablissement et les élections de lundi sont les premières depuis 2013.

Les trois provinces de la région autonome du Kurdistan (nord) en sont exclues.

"A quoi vont nous servir ces élections", lâche Abou Ali, chauffeur de taxi de 45 ans. "Les années passent, les élections se répètent, (...) et notre situation reste la même", confie-t-il à l'AFP à Bagdad.

Dans un Irak multiconfessionnel et multiethnique, 10 sièges iront aux minorités -- chrétienne, yazidie ou sabéenne. Parmi les candidats figurent 1.600 femmes, un quota de 25% leur étant réservé.

Si le conseil provincial de Bagdad compte 49 élus, celui de Bassora (sud) en a 22.

Les observateurs surveillent Kirkouk, province du nord riche en pétrole, où pourraient resurgir des rivalités historiques opposant les grands partis des communautés arabe, kurde et turcomane.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.