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L'Irak élit des conseils provinciaux pour la première fois en dix ans


Lundi 18 decembre 2023 à 09h14

Bagdad, 18 déc 2023 (AFP) — Les Irakiens ont commencé à voter lundi pour élire leurs conseils provinciaux, premier scrutin du genre en une décennie qui servira à consolider les partis chiites pro-Iran au pouvoir, et à jauger leur assise populaire.

Passé dans l'opposition, l'influent leader religieux chiite Moqtada Sadr boycotte ces élections se déroulant dans 15 provinces. Dans un pays de 43 millions d'habitants, riche en hydrocarbures mais miné par une corruption endémique, la désillusion domine.

Tôt lundi matin, l'affluence était encore faible dans deux bureaux de vote de Bagdad visités par l'AFP après l'ouverture à 07H00 locale (04H00 GMT).

"Si je ne vais pas voter, si personne d'autre n'y va, ce sera la jungle", confie à l'AFP Amin Saleh, fonctionnaire de 63 ans, dans un bureau de vote de la capitale irakienne. "Il faut un élu qui serve véritablement (sa circonscription), comment l'avoir si ce n'est en votant?", plaide-t-il.

Le scrutin est aussi un test pour le gouvernement de Mohamed Chia al-Soudani. Porté au pouvoir il y a plus d'un an par une coalition de partis pro-Iran, il fait valoir inlassablement sa politique de développement des services publics et des infrastructures, ravagés par des décennies de conflits.

"La participation sera l'indicateur ultime de satisfaction", explique à l'AFP Renad Mansour, du centre de réflexion Chatham House. "La question est de savoir si le populisme économique du gouvernement -- la distribution d'emplois (dans le secteur public) -- marche et attire ou non le jeune public".

- "Base sociale" -

Instaurés après l'invasion américaine et la chute de Saddam Hussein en 2003, les conseils municipaux jouissent d'importantes prérogatives: élection du gouverneur de la province et allocations des budgets de la santé, des transports ou de l'éducation, à partir de juteux financements débloqués par un pouvoir fédéral de Bagdad, ultra-dépendant de sa rente pétrolière.

Leurs détracteurs voient dans ces conseils des nids à corruption favorisant le clientélisme.

Votant à Bagdad, M. Soudani a appelé les Irakiens à choisir des candidats "compétents" et "intègres", rappelant que "l'administration locale, via les conseils et les gouverneurs, représente un pilier de l'exécutif et assiste le gouvernement dans la mise en oeuvre de son programme".

Quelque 17 millions d'électeurs sont appelés aux urnes pour départager 6.000 candidats se disputant 285 sièges dans les provinces concernées. Les 7.166 bureaux de vote placés sous haute sécurité fermeront à 18H00 locale (15H00 GMT).

Le scrutin devrait consolider des factions du Cadre de coordination, coalition pro-Iran représentant partis chiites et anciens paramilitaires du Hachd al-Chaabi, intégrés aux forces régulières.

Pour certains poids lourds de cette alliance dominant le Parlement, les élections sont une "opportunité" pour "prouver qu'ils ont une base sociale et qu'ils sont populaires", souligne M. Mansour. D'autant que des législatives se profilent déjà en 2025.

M. Mansour évoque la "compétition en interne au sein de la +Maison chiite+", chaque groupe cherchant à s'arroger des postes de gouverneurs.

Quant à Moqtada Sadr, grand acteur de la scène chiite, il avait annoncé son retrait de la vie politique, après un bras-de-fer avec ses adversaires marqué par des affrontements meurtriers à l'été 2022.

- "A quoi ça sert?" -

Lors d'une révolte anti-pouvoir à l'automne 2019, les conseils provinciaux avaient été dissous par le Parlement. Mais le gouvernement de M. Soudani a validé leur rétablissement et les élections de lundi sont les premières depuis 2013.

Les trois provinces de la région autonome du Kurdistan (nord) en sont exclues.

"A quoi vont nous servir ces élections", lâche Abou Ali, chauffeur de taxi de 45 ans. "Les années passent, les élections se répètent, (...) et notre situation reste la même", confie-t-il à l'AFP à Bagdad.

Dans un Irak multiconfessionnel et multiethnique, 10 sièges iront aux minorités -- chrétienne, yazidie ou sabéenne. Parmi les candidats figurent 1.600 femmes, un quota de 25% leur étant réservé.

Si le conseil provincial de Bagdad compte 49 élus, celui de Bassora (sud) en a 22.

Les observateurs surveillent Kirkouk, province du nord riche en pétrole, où pourraient resurgir des rivalités historiques opposant les grands partis des communautés arabe, kurde et turcomane.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.