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L'écrivain turc Orhan Pamuk fait docteur honoris causa en Allemagne


Vendredi 4 mai 2007 à 17h38

BERLIN, 4 mai 2007 (AFP) — L'écrivain turc Orhan Pamuk, prix Nobel 2006 de littérature, sous le feu des critiques en Turquie pour ses positions sur le conflit kurde et la question arménienne, a reçu vendredi le titre de docteur honoris causa de l'Université libre (FU) de Berlin.

Le maire social-démocrate de la capitale allemande, Klaus Wowereit, lui a rendu hommage. Les ennemis de Pamuk, a-t-il lancé, "sont aussi nos ennemis et les ennemis de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne", "des fanatiques idéologiques qui méprisent la démocratie et la tolérance". La ville de Berlin, a-t-il dit, a vocation "à accueillir les écrivains menacés".

Après avoir annulé au dernier moment et sans explication un voyage en Allemagne en février, le romancier avait décidé de s'y rendre pour une tournée de lectures jusqu'au 8 mai.

L'auteur de "Neige" et du "Livre Noir" refuse d'être perçu par la presse comme un romancier qui jette des ponts entre l'Occident et l'Orient. "Mon travail ne consiste pas à expliquer la Turquie aux Européens et l'Europe aux Turcs mais à écrire de bons livres", a-t-il encore dit mercredi à Hambourg, lors de la présentation de son nouveau livre, "Istanbul".

Devant l'Université libre de Berlin, il a déclaré ne pas se faire de soucis pour sa sécurité en Allemagne. Relevant qu'on ne cesse de l'interroger sur les menaces de mort le visant, il a observé: "cela donne sans doute plus de poids à la chose qu'elle n'en mérite".

M. Pamuk est régulièrement la cible des critiques des milieux nationalistes turcs. Il a été poursuivi dans son pays pour "dénigrement de l'identité nationale turque" après avoir affirmé dans un magazine suisse en février 2005: "Un million d'Arméniens et 30.000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d'autre que moi n'ose le dire". Les poursuites ont été abandonnées début 2006.

M. Pamuk a aussi été menacé de mort par l'un des suspects dans le meurtre du journaliste turc d'origine arménienne Hrant Dink.

L'oeuvre d'Orhan Pamuk lie les traditions narratives de l'Orient avec celles de l'Occident, relève la FU dans un communiqué.

Le professeur de littérature allemand, Gert Mattenklott, a souligné que son oeuvre expose la transition de la société turque du 20e siècle au 21e siècle, "dont il n'est ni le chroniqueur, ni le propagandiste ni l'adversaire".

Le vice-président de l'université, Klaus Hempfer, a observé: "C'est la qualité esthétique des textes, qui vous a élevé au statut d'instance morale. Et cependant vous êtes un auteur politique".

Dans une interview publiée cette semaine par le magazine Der Spiegel, Pamuk a exprimé son agacement face au "cliché" qu'on lui colle de "pont" entre les cultures. "Parce que je suis traduit en 45 langues, je passe pour le représentant de la Turquie. Je ne veux pas l'être. Je suis écrivain", a-t-il affirmé. "C'est une chose de s'exprimer sur la politique, d'ouvrir la bouche, quand on est furieux d'une évolution (...) Mais je refuse de me laisser imposer la politique".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.