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L'armée turque entre sur le sol irakien après une série d'attaques meurtrières du PKK


Mardi 8 septembre 2015 à 15h59

Ankara, 8 sept 2015 (AFP) — L'armée turque est entrée mardi sur le sol irakien pour la première fois en quatre ans après une série d'attaques des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui ont provoqué la mort de plus de 30 soldats ou policiers et plongé un peu plus la Turquie dans la violence.

Deux jours après une première embuscade à l'explosif dans laquelle 16 soldats ont péri à Daglica (sud-est), le PKK a réalisé une opération similaire mardi à l'aube contre un minibus de la police, cette fois dans la province d'Igdir, aux confins des frontières avec l'Arménie, l'Iran et l'Azerbaïdjan, faisant cette fois 14 morts.

Depuis dimanche soir, les chasseurs F-16 et F-4 de l'aviation turque ont pilonné à plusieurs reprises les bases arrière du mouvement rebelle dans les montagnes du nord de l'Irak et des membres des forces spéciales sont entrés en Irak.

"Les forces de sécurité turques ont franchi la frontière irakienne dans le cadre du droit de poursuite visant des terroristes du PKK qui ont commis les récentes attaques", a déclaré à l'AFP une source gouvernementale turque, sans préciser la durée de cette opération.

"C'est une mesure de courte durée pour empêcher la fuite des terroristes", a toutefois assuré cette source ayant requis l'anonymat.

Les frappes aériennes et le raid des forces spéciales ont provoqué la mort de "près de cent terroristes" du PKK, selon l'agence de presse Dogan citant des sources militaires.

La précédente incursion de l'armée turque sur le sol irakien, un phénomène courant dans les années 1990 contre les bases arrière de ce mouvement rebelle kurde dans les montagnes, remontait à 2011.

Dans un discours très ferme, le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a promis mardi de débarrasser son pays du PKK.

"Nous n'avons pas abandonné et nous n'abandonnerons pas cette nation à trois ou cinq terroristes", s'est exclamé M. Erdogan. "Si Dieu le veut, la Turquie, qui a surmonté de nombreuses crises, réussira à se débarrasser de la peste terroriste", a-t-il insisté.

- 'Martyrs' -

Son Premier ministre Ahmet Davutoglu a fait montre de la même fermeté à Van (est) où il a participé à une cérémonie en l'honneur des 16 soldats tués à Daglica.

"Pour l'unité de cette nation, de ce pays, chacun des responsables de chacun de ces bains de sang rendra des comptes", a tonné M. Davutoglu devant les cercueils des "martyrs", selon la terminologie officielle, recouverts du drapeau turc.

L'opération réalisée par le PKK à Daglica a été la plus meurtrière depuis la reprise il y a près de deux mois des affrontements entre l'armée et ce mouvement rebelle qui ont fait voler en éclats les discussions de paix engagées à l'automne 2012 pour mettre un terme à un conflit ayait fait quelque 40.000 morts depuis 1984.

Fin juillet, le gouvernement turc a ordonné des frappes aériennes contre les bases du PKK en représailles à des attaques rebelles contre ses forces de sécurité. Les violences sont depuis quotidiennes. Mardi encore, un policer a été tué à Tunceli (est).

Le PKK a toutefois annoncé mardi avoir libéré un groupe de 20 agents des douanes et d'ouvriers turcs d'une entreprise de travaux publics qui avaient été enlevés dans l'est de la Turquie il y a près d'un mois. Il devaient regagner leur pays dans la soirée.

- Tensions politiques -

Selon le dernier comptage de la presse favorable au gouvernement, les affrontements ont entraîné la mort d'une centaine de soldats ou de policiers et d'un millier de rebelles.

Les dernières attaques du PKK ont suscité de vives tensions avec la communauté kurde dans plusieurs villes de Turquie. Quelque 20% des 76 millions de Turcs sont d'origine kurde et vivent pour l'essentiel dans le sud-est.

Les locaux du principal parti prokurde de Turquie (le HDP, Parti de la démocratie des peuples), considéré comme proche du PKK, ont été visés par des manifestations ou par des attaques dans un certain nombre d'agglomérations.

Son chef de file, Selahattin Demirtas, a été traité de "tueur" en Une du quotidien Yeni Safak, favorable au gouvernement, bien qu'il ait condamné l'attentat de Daglica. "Kurdes, Turcs, serrez les rangs. La paix est le meilleur remède", a insisté M. Demirtas.

Ce cycle de violences intervient à moins de deux mois des élections législatives anticipées convoquées par le président Erdogan pour le 1er novembre.

Au scrutin du 7 juin, l'AKP a perdu la majorité absolue qu'il avait eue pendant 12 ans au Parlement. M. Erdogan espère que son parti la retrouvera en novembre pour établir un régime présidentiel fort.

Lundi, l'opposition l'a accusé avec virulence de souffler sur les braises du conflit kurde pour satisfaire ses ambitions.

"Dans les démocraties, le seul endroit pour régler ses comptes c'est l'urne, les élections", leur a répondu mardi M. Erdogan. "Je pense que le 1er novembre, notre peuple exigera de certains qu'ils rendent de comptes sur ce qui s'est passé", a-t-il ajouté.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.