Page Précédente

L'Armée syrienne libre, supplétif et caution syrienne de la Turquie


Lundi 19 mars 2018 à 14h26

Istanbul, 19 mars 2018 (AFP) — La Turquie s'est appuyée dans son offensive dans l'enclave d'Afrine sur des groupes armés syriens qu'elle a réussi à transformer en une force efficace dans ses zones d'influence dans le nord de la Syrie.

Réunis sous la bannière de "l'Armée syrienne libre" (ASL) qui était en perdition avant que la Turquie ne la prenne en main et la refaçonne, ces groupes sont pour la plupart d'inspiration islamiste, mais Ankara rejette l'étiquette de "jihadistes" utilisée parfois pour les décrire.

La création de l'ASL avait été annoncée quelques mois après le début du conflit syrien en 2011 par un colonel syrien s'étant réfugié en Turquie. Elle était essentiellement alors composée de civils ayant rejoint la rébellion, encadrés par des déserteurs de l'armée.

Mais cette structure a progressivement perdu de son poids, laissant place à une myriade de factions, allant des rebelles sans affiliation religieuse aux groupes islamistes, avant d'être ressuscitée par Ankara.

Formés, équipés et financés par Ankara, les groupes composant l'ASL avaient déjà participé à l'été 2016 à une première offensive turque dans le nord de la Syrie destinée à en chasser les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) et les milices kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) considérées comme "terroristes" par la Turquie en raison de leurs liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

Les YPG sont aussi un groupe allié des Etats-Unis dont elles sont le fer de lance dans la lutte contre l'EI en Syrie.

- 'Islamistes, mais pas jihadistes' -

Depuis l'offensive de 2016, baptisée "Bouclier de l'Euphrate", la Turquie contrôle de facto, par le truchement de l'ASL, de vastes territoires dans le nord de la Syrie, appelés à s'étendre après la capture dimanche d'Afrine à la faveur de l'opération "Rameau d'Olivier" lancée le 20 janvier.

Accusée de jeter de l'huile sur le feu en soutenant ouvertement des groupes impliqués dans la guerre civile syrienne, la Turquie a toujours assuré que son objectif était de sécuriser des territoires à l'intérieur du pays pour permettre le retour de réfugiés syriens, faisant en même temps valoir l'attachement de l'ASL à l'intégrité territoriale de la Syrie face au projet d'autonomie défendu par les YPG.

Parmi les groupes de l'ASL participant à l'offensive d'Afrine figurent notamment la brigade Sultan Murad, la division Hamza et Faylaq al-Cham, proche des Frères musulmans.

Pour Aron Lund, expert du think-tank américain Century Foundation, si plusieurs factions de l'ASL peuvent d'être qualifiées d'"islamistes", elles ne partagent pas l'idéologie d'al-Qaida ou de l'EI, que certains d'entre eux ont même combattus avec le soutien des Etats-Unis.

"Il serait erroné et propagandiste de qualifier ces groupes de jihadistes. Il s'agit des groupes qui, ces dernières années, ont plutôt travaillé avec la Turquie et les Occidentaux contre les factions liées à al-Qaida. Et ce, même s'ils s'étaient ponctuellement alliés à des jihadistes contre (le président syrien Bachar al-) Assad", explique-t-il.

- Abus commis par une 'minorité' -

Un général turc à la retraite ayant travaillé avec l'ASL lors de l'offensive Bouclier de l'Euphrate souligne "les immenses efforts déployés par la Turquie pour améliorer les compétences, la discipline et l'organisation" de ces supplétifs, dont les soldes sont payées par Ankara.

Les scènes montrant des membres de l'ASL posant avec le corps mutilé d'une combattante kurde près d'Afrine où se livrant, dimanche, à des pillages dans la ville, ne concernent selon lui qu'une "minorité". "On peut voir de telles scènes dans des situations de guerre, mais les combattants ne se comportent pas tous de cette manière".

"Ils peuvent être considérés comme islamistes, car ils ont une certaine interprétation de la religion. Mais (...) ils ne coupent pas de têtes et ne mènent pas d'attentats-suicide", ajoute le général, parlant à l'AFP sous couvert d'anonymat.

La participation de l'ASL aux combats offre aussi une caution syrienne à l'intervention turque, explique-t-il.

"La Turquie a une armée forte, mais elle veut montrer au monde que la lutte contre les YPG est aussi syrienne", dit-il.

Un expert militaire turc proche du gouvernement, Abdullah Agar, estime que la "stabilité" que connaissant les zones administrées par des structures de l'ASL depuis la fin du Bouclier de l'Euphrate montre le bien-fondé de l'appui apporté à ce groupe.

"L'ordre a été rétabli. Des dizaines de milliers de personnes ont pu retourner dans leur pays", dit-il.

"On peut s'attendre à la mise en place d'un système similaire à Afrine après l'opération Rameau d'Olivier", ajoute-t-il.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.