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L'armée irakienne se déploie dans toutes les zones disputées aux dépens des Kurdes


Mercredi 18 octobre 2017 à 14h13

Bagdad, 18 oct 2017 (AFP) — L'armée irakienne entend se déployer dans tout le pays, après avoir repris en 48 heures quasiment toutes les zones dont les combattants kurdes s'étaient emparés progressivement depuis 2003, notamment dans la province pétrolière de Kirkouk.

Ce cuisant revers infligé aux autorités du Kurdistan a encore exacerbé les tensions entre les deux grands partis traditionnels de la région autonome. Une réunion du Parlement local devant discuter de l'élection présidentielle et des législatives du 1er novembre a ainsi été reportée sine die.

"Il ne s'agit pas d'une opération militaire mais d'un redéploiement des forces dans toutes les régions afin d'y appliquer la loi. D'autres communiqués suivront", a affirmé mercredi à l'AFP le général Yehya Rassoul, porte-parole du Commandement conjoint des opérations (JOC).

Les forces armées irakiennes ont affirmé avoir atteint leurs objectifs dans la région de Kirkouk à l'issue d'une opération de 48 heures lancée dans des zones en dehors du Kurdistan autonome prises par les peshmergas (combattants kurdes) en 2014, lors du chaos né de l'offensive éclair des jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

"Le rétablissement de la sécurité dans des secteurs de Kirkouk a été achevé, dont Debes, al-Moultaka et les champs pétroliers de Kahbaz, Bay Hassan nord et sud", a indiqué le JOC dans un communiqué.

En outre, "les forces ont été redéployées et ont repris le contrôle de Khanaqine et Jalaoula dans la province de Dyala ainsi qu'à Makhmour, Baachiqa, le barrage de Mossoul, Sinjar et d'autres zones de la plaine de Ninive", ajoute le JOC.

Selon le journaliste de l'AFP dans Kirkouk, il ne reste plus de peshmergas visibles dans la ville, il n'y a que les forces du gouvernement central.

Les "Kurdes ont quasiment perdu les 23.000 km³ qu'ils avaient progressivement grignoté depuis 2003", souligne le géographe français Cyril Roussel.

- 'Retour aux limites du Kurdistan' -

"Il ne leur reste plus que quelque 5 à 6.000 km³ dans la province de Ninive et 520 km³ à Altun Kupri sur la route Kirkouk-Erbil. C'est quasiment un retour aux limites des trois provinces qui forment la région autonome du Kurdistan", a ajouté cet expert du Kurdistan irakien.

"C'est un nouveau Anfal pour le Kurdistan" a déploré dans un communiqué le vice-président de la région kurde Kosrat Rassoul, faisant allusion à une violente campagne lancée en 1987-88 par Saddam Hussein contre le Kurdes, dont près de 180.000 sont tués et plus de 3.000 villages détruits.

Depuis l'invasion américaine de 2003, les peshmergas s'étaient emparés progressivement de 23.000 km³ sur les 37.000 km³ revendiqués par le Kurdistan autonome.

Cette large bande de plus de 1.000 km partant de la frontière syrienne jusqu'à celle avec l'Iran, passe par les provinces de Kirkouk, Ninive, Dyala, Salaheddine et la province kurde d'Erbil.

"L'autorité du pouvoir central doit être rétablie partout en Irak, je dois être équitable avec tous les citoyens", affirmait mardi soir le Premier ministre Haider al-Abadi.

Le coup le plus dur pour les Kurdes a été la perte des champs pétroliers de Kirkouk qui ruine leur espoir d'un État indépendant détaché de l'Irak.

Jusqu'ici, près des trois quarts de la production pétrolière de Kirkouk étaient exportés par le Kurdistan, contre l'avis de Bagdad.

Le ministre irakien du pétrole Jabbar al-Louaibi a demandé mercredi à la compagnie British Petroleum (BP) "de prendre au plus vite les mesures nécessaires pour développer les infrastructures pétrolières de Kirkouk".

Le ministère avait signé un contrat de consultant avec BP en 2013 pour étudier les réserves et trouver les moyens de développer le champ de Baba Gargar, le plus vieux d'Irak --dont l'exploitation remonte à 1927--, et celui de Havana.

- Pas de réunion du Parlement kurde -

Selon une la compagnie publique irakienne, la North Oil Company (NOC), les techniciens sont revenus sur les champs de Bay Hassan et Havana, au nord-ouest de Kirkouk afin de relancer la production.

"Avec la perte des champs (pétroliers), le portefeuille kurde est divisé par deux", souligne le géographe Cyril Roussel. "C'est la fin de l'autonomie économique du Kurdistan et du rêve d'indépendance".

"L'Union patriotique du Kurdistan (UPK) a sabordé le bateau pour couler le capitaine" Massoud Barzani, président de la région autonome et dirigeant du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), a-t-il ajouté.

Les deux grands partis du Kurdistan irakien sont entrés en guerre ouverte après le succès des troupes irakiennes face aux peshmergas.

La réunion du Parlement kurde prévue mercredi "a été annulée sine die. L'UPK veut un report de deux ans des élections mais nous n'acceptons que huit mois", a indiqué à l'AFP le député du PDK Farhan Johar.

Mais les divisions sont bien plus profondes.

"Pendant que nous étions occupés à protéger le peuple kurde, Massoud Barzani s'activait à voler le pétrole et à renforcer son influence", a accusé Lahour Cheikh Zengi, chef du contre-terrorisme kurde dans la région de Souleimaniyeh, fief de l'UPK.

"Désormais, nous ne sacrifierons plus nos fils pour le trône de Massoud Barzani", ajoute-t-il dans un communiqué.

De son côté, M. Barzani a accusé l'UPK d'avoir "ouvert la voie à cette attaque qui a entraîné le retrait des peshmergas".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.