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L'appel d'Öcalan marque un tournant pour les Kurdes au Proche-Orient


Vendredi 22 mars 2013 à 10h26

BAGDAD, 22 mars 2013 (AFP) — L'appel du chef kurde Abdullah Öcalan à abandonner la violence pourrait marquer un tournant dans l'histoire tourmentée des Kurdes, dont certains ont pris les armes pour faire valoir leur revendication indépendantiste.

Dans un message lu jeudi par un député du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), Öcalan, emprisonné, invite les militants armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à déposer les armes et à quitter la Turquie.

Pour la première fois en trois décennies d'un conflit qui a coûté la vie à 45.000 personnes, un espoir durable de paix semble s'esquisser.

Mais la question reste très épineuse de par la répartition géographique du peuple kurde, établi en Iran, en Irak, en Syrie et en Turquie.

L'appel d'Öcalan "va totalement changer la donne pour tous les mouvements kurdes de la région", estime Jane Kinninmont, chercheuse au centre de réflexion Chatham House basé à Londres.

Mais, note-t-elle, "il y a un conflit entre l'idéal qu'incarnent les rêves (d'un Etat kurde) et le réalisme propre aux dirigeants du Proche-Orient, à la tête d'Etats-nation où cohabitent plusieurs groupes de population et plusieurs religions, et qui vivent dans la peur constante d'une implosion de leur pays".

D'origine indo-européenne, les Kurdes, entre 25 et 35 millions de personnes, sont majoritairement sunnites. Ni arabes, ni turcs, ni perses, les Kurdes portent une histoire semée de harcèlement, de discrimination et parfois de persécution.

Jusqu'en 2002, la Turquie prohibait l'utilisation de la langue kurde à l'intérieur de ses frontières. Et le mot "kurde" ne pouvait pas être prononcé en public, sous peine de poursuites.

Le président irakien déchu Saddam Hussein s'est, lui, lancé, dans une véritable campagne d'éradication des Kurdes, dont l'épisode le plus tragique est l'attaque au gaz de la ville de Halabja en 1988.

Alors que la guerre contre l'Iran tirait à sa fin, les peshmergas, les combattants kurdes, s'emparent de Halabja dans les montagnes du Kurdistan. Le 16 mars, des avions de combat irakiens commencent à survoler la zone et, pendant cinq heures, y lâchent un mélange de gaz moutarde et des neurotoxiques Tabun, Sarin et VX, tuant 5.000 personnes, la pire attaque au gaz jamais perpétrée contre une population civile.

"J'ai grandi en Irak (...) mais tout au long de ma jeunesse, ma haine contre ce pays n'a cessé de se renforcer", raconte à l'AFP Chwan Zulal, un analyste politique spécialisé dans le Kurdistan, qui vit désormais à Londres.

Une anecdote illustre très bien, selon lui, les raisons de sa rancoeur. Lorsqu'il était plus jeune, à Souleimaniyeh, il se rappelle avoir payé pour récupérer la dépouille de son oncle qui avait été exécuté.

"Comment peut-on ressentir de l'empathie envers un Etat qui vous fait subir ce genre de choses? Ce sont des cicatrices indélébiles", assène-t-il.

Depuis le massacre de Halabja, les Kurdes d'Irak sont parvenus à renforcer leur autonomie et à atteindre une certaine indépendance économique dans le sillage de l'invasion américaine de l'Irak en 2003.

En Syrie, le conflit qui fait rage depuis plus de deux ans a fait naître l'espoir d'un Kurdistan syrien autonome, calqué sur le Kurdistan irakien et débarrassé de la violence qui ronge le reste du pays.

La situation est bien différente en Iran, où la province du Kurdistan (nord-ouest) est depuis quelques années le théâtre d'affrontements entre forces de sécurité iraniennes et le PJAK (Parti pour une vie libre au Kurdistan), principal mouvement kurde de lutte contre le régime de Téhéran, proche du PKK.

"Il est encore trop tôt pour juger, mais des progrès et des pas dans la bonne direction ont été accomplis", se félicite Falah Moustapha, responsable des relations extérieures au sein du gouvernement de la région autonome du Kurdistan irakien. "Je suis optimiste".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.