Lundi 10 decembre 2007 à 20h56
BERLIN, 10 déc 2007 (AFP) — L'Allemagne a expulsé lundi un Iranien condamné à la prison à vie pour une tuerie perpétrée il y a quinze ans à Berlin sur ordre de Téhéran, refermant ainsi un chapitre douloureux des relations germano-iraniennes, durablement mises à mal par cette affaire.
Condamné à la prison à vie, Kazem Darabi, 48 ans et considéré par l'Allemagne comme un agent secret iranien, a été libéré de manière anticipée lundi puis expulsé depuis l'aéroport de Francfort (ouest) vers l'Iran, a annoncé à l'AFP une porte-parole du ministère régional berlinois de l'Intérieur. Il avait quitté l'espace aérien allemand en début de soirée.
Son complice libanais Abbas Rhayel, 39 ans, également condamné à la perpétuité en 1997, a été expulsé dès jeudi vers un lieu non précisé.
Les autorités allemandes avaient annoncé de manière inattendue en octobre leur intention d'écourter la peine des deux hommes après 15 années passées derrière les barreaux en Allemagne et de les expulser, alors que l'Iran tentait depuis des années de faire libérer Darabi.
L'Allemagne avait alors récusé tout marchandage politique et argué du processus allemand classique qui permet de relâcher au plus tôt au bout de 15 ans un détenu condamné à la prison à vie.
Pourtant, un peu plus tôt cette année, les autorités judiciaires avaient exclu que Kazem Darabi puisse recouvrer la liberté rapidement. Elles avançaient le poids "particulièrement lourd" de la faute commise.
Darabi était considéré par Israël comme une précieuse monnaie d'échange pour obtenir des informations sur le sort du pilote israélien Ron Arad, dont l'avion avait été abattu au-dessus du Liban-sud en 1986. L'Etat hébreu aurait d'ailleurs tenté cet automne de faire pression auprès de la chancelière Angela Merkel pour empêcher la libération annoncée des deux condamnés.
Le nom de Darabi a aussi été évoqué comme monnaie d'échange lorsque Berlin tentait de faire libérer un touriste allemand emprisonné en Iran, Donald Klein, condamné pour entrée illégale dans les eaux territoriales iraniennes. L'Allemand a été relâché en mars, après 15 mois de détention.
Lundi, le parquet général fédéral, compétent pour les affaires de terrorisme, a répété qu'"il n'y a aucun lien (entre l'expulsion de Darabi et de Rhayel) et d'autres dossiers".
L'Allemagne n'en a pas moins clos un dossier qui aura empoisonné pendant des années les relations germano-iraniennes, et au-delà, celles de Téhéran avec l'Union européenne, solidaire de Bonn.
Lors du verdict en avril 1997, l'Iran avait été mis en cause "au plus haut sommet de l'Etat", donc accusé ouvertement de terrorisme, une première mondiale.
La sentence faisait suite à trois ans d'audiences, ponctuées par le témoignage de l'ex-président iranien en exil, Abdolhassan Banisadr, qui avait accusé l'Iran d'être un Etat terroriste.
S'était ensuivie une crise diplomatique d'un an. L'Iran avait rappelé ses ambassadeurs en Europe. L'UE avait rappelé les siens à Téhéran.
Darabi, chef du commando, et Rhayel, auteur des coups de feu mortels, avaient éliminé le 17 septembre 1992 le chef du Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran (PDKI), Sadegh Charafkandi, et trois de ses compagnons, venus pour une réunion de l'Internationale socialiste. Deux autres Libanais avaient été condamnés: Mohammed Atris, qui a purgé 5 ans et trois mois de prison, et Youssef Amin, expulsé en 1999 vers le Liban après avoir purgé plus de la moitié de sa peine de 11 ans.
Ex-partie civile, l'avocat Wolfgang Wieland a jugé "incompréhensibles" les libérations anticipées de lundi, qui selon lui sont la conséquence de "pressions politiques" et seront "interprétées par l'Iran non pas comme un signe de générosité, mais comme un signe de faiblesse de l'Occident".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.