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Kurdistan: villages isolés, équipes de désinfection, habitants hébétés


Mercredi 1 février 2006 à 09h29

DOUKANE (Irak), 1 fév 2006 (AFP) — A Doukane, à 80 km au nord de Soulaimaniyah, dans le kurdistan irakien, un barrage bloque l'accès aux régions montagneuses de Rania: c'est là que commence le cordon sanitaire mis en place par les autorités locales kurdes.

Techniciens et vétérinaires s'apprêtent à partir vers la "zone suspecte" où une adolescente, Chanjin AbdelKader, est morte, après avoir été infectée par le virus mortel de la grippe aviaire.

Ils ont pour tâche de détruire les centaines de milliers de volatiles de cette zone frontalière de l'Iran.

Vêtus de combinaisons bleues ou jaunes, portant des gants et chaussant des bottes hermétiques, un masque de protection sur le visage, ils sont ainsi plusieurs centaines à se relayer depuis trois jours.

Les équipes de désinfection arrosent les voitures et aspergent les automobilistes qui doivent frotter leurs chaussures sur des tapis imprégnés de désinfectant.

Le chef des équipes, Abbas Ali, un vétérinaire, se plaint de la lenteur de l'aide venant de Bagdad pour endiguer tout risque de pandémie de la grippe aviaire. "Nous avons dû acheter nous-mêmes dix tonnes de désinfectant, ce qui nous a coûté 200.000 dollars. C'est de l'argent pris sur le budget de la province", affirme-t-il à l'AFP.

"Avec ce maigre budget, nous devons désinfecter tous les villages, hameaux et habitations de cette zone très vaste", dit-il.

Selon des sources kurdes, quelque 50 villages et agglomérations, peuplés de 400.000 personnes, sont mis en quarantaine.

Le chef des équipes de lutte contre la grippe aviaire regrette, par ailleurs, le manque de Tamiflu, le médicament le plus efficace pour lutter contre la grippe aviaire, pour ses hommes qui sont en contact avec le virus.

En outre, les moyens dont disposent sont dérisoires comparés à ceux sophistiqués des pays développés, dit-il en appelant de ses voeux l'aide des organisations humanitaires internationales.

Passé ce barrage, à Bankarde où vivent 4.000 personnes, les habitants commencent tout juste à réaliser le danger qui les guette. Le village se trouve dans le département de Rania, en face de celui de Sarkabkane où la maladie a tué l'adolescente.

Hébétés, le regard exprimant le désarroi, ils voient passer "ces hommes en bleu ou en jaune", sillonnant les ruelles, fouillant maison après maison, à la recherche de volailles ou d'oiseaux domestiques, nombreux dans cette région d'élevage.

Poules, canards, tout y passe. Les volatiles sont aussitôt mis dans un sac et transportés à bord d'un tracteur pour finir dans une fosse creusée à cet effet.

"Nous ramassons tous les volatiles et les enterrons dans une fosse profonde de quatre mètres creusée loin des habitations", explique Bassem Khodr Hassan, un des volontaires de l'équipe.

Il regrette l'état de délabrement du village et l'absence de protection de ses habitants. "Regardez, nous sommes bien protégés avec nos combinaisons mais j'ai peur pour ces gosses qui s'attroupent pour nous observer et qui n'ont rien pour se protéger".

La tristesse envahit les villageois quand ils voient partir leurs animaux, surtout les familles les plus pauvres qui n'ont pas d'autres moyens de subsistance.

Ainsi, Fatima AbdelKader et sa fille qui vivent seules ne possèdent rien à part leurs volailles. Elles en avaient 47.

Un enfant, Bechko Hamma, qui ne lâche pas d'un pas les équipes de lutte contre la grippe, n'arrive pas à retenir ses sanglots. "Je m'occupais d'un élevage de pigeons et ils me les ont appris", dit-il d'un ton accusateur.

"A Bankarde, il n'y a pas de volatiles malades", ajoute-t-il en colère.

Les villageois ont été réticents au départ à laisser partir leur volaille, reconnaît un membre des équipes. Mais après les promesses de compensations annoncées par le gouvernement, ils ont accepté de le faire. "C'est soi eux, soit nous", reconnaît avec résignation une vieille femme du village.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.