Mercredi 31 octobre 2007 à 10h55
ERBIL (Irak), 31 oct 2007 (AFP) — A la veille d'une conférence internationale en Turquie, cruciale pour le Kurdistan irakien, la vie bat son plein à Erbil, la capitale de cette région autonome d'Irak.
"Les menaces turques ne nous empêcheront pas de mener une vie normale", assure Azad Ahmed, 42 ans, qui boit un thé avec trois amis à la terrasse d'un café.
Depuis deux semaines, les menaces d'une incursion militaire turque se sont faites plus précises, pour déloger de leurs montagnes dans l'est du Kurdistan des rebelles séparatistes kurdes en lutte contre l'Etat central d'Ankara.
Et cette question sera abordée en fin de semaine lors d'une rencontre des pays voisins de l'Irak à Istanbul.
"Ces menaces ne sont pas nouvelles", ajoute Azad Ahmed. "Nous en avons assez de les entendre".
Dans cette ville, à 350 km au nord de Bagdad, les magasins et les restaurants restent ouverts tard dans la nuit, à l'inverse d'autres localités irakiennes où règne la violence.
A près de minuit, dans un café de la rue principale d'al-Iskan, les clients rient de bon coeur et parlent fort autour de parties de dominos ou de dés, en buvant du thé à la cardamone et en tirant sur des pipes à eau.
"Nous nous retrouvons presque tous les jours et la vie doit continuer sans à-coups", explique Azad Ahmed.
Dehors, les badauds se promènent au son de la musique et des chansons traditionnelles kurdes qui s'échappent des restaurants.
"Ici, ce n'est pas Bagdad. Vous pouvez sortir avec votre famille, rendre visite à vos amis, diner dans un restaurant, sans avoir à peur", dit Ahmed, alors que ses amis approuvent.
"Ici, c'est le Kurdistan où il n'y pas place pour les terroristes", ajoute-t-il, dans une allusion au PKK, une formation considérée comme terroriste par la Turquie, les Etats Unis et l'Union Européenne.
Tard dans la nuit, les nouveaux centres commerciaux --modernes et bien achalandés-- Dream City et New City, accueillent les clients. Des grandes enseignes lumineuses les invitent à pousser la porte des magasins.
"Notre histoire est une succession de crises, de moments difficiles et de guerres", explique Omed Haval, 33 ans, un employé qui gare sa voiture près d'un restaurant pour venir acheter une pizza.
"Nous avons été contraints d'abandonner nos maisons et de nous réfugier dans les montagnes, mais aujourd'hui nous n'avons pas peur et nous ne fuirons pas, même si les Turcs arrivent", assure-t-il.
"J'espère que nos amis américains interviendront et trouveront une solution pacifique pour éviter une incursion contre notre territoire", lance-t-il avec un large sourire.
Depuis 1991, les trois provinces de la région autonome du Kurdistan d'Irak (Erbil, Dohouk et Suleimaniyeh) connaissent un fort développement économique et une situation en matière de sécurité meilleure que les autres provinces d'Irak.
Elle abritent plus de quatre millions d'habitants dotés d'un parlement et d'un gouvernement autonome qui garde ses distances avec le pouvoir central de Bagdad.
Les Kurdes d'Irak sont persuadés que la Turquie ne veut pas que cette expérience de mini-Etat kurde réussisse et que la présence des combattants du PKK dans le massif du Qandil n'est qu'un prétexte pour intervenir.
En l'absence de règlement négocié, la Turquie menace de lancer des opérations militaires dans le Kurdistan irakien pour en éliminer ces rebelles, au nombre de 3.000 à 4.000, qui mènent des raids meurtriers en territoire turc.
Cette tension inquiète Washington et Bagdad qui y voient le risque d'une déstabilisation d'une des rares régions d'Irak où règne la sécurité et une certaine prospérité.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.