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Kurdistan: Bagdad exige l'annulation du référendum avant toute négociation


Mercredi 27 septembre 2017 à 15h23

Bagdad, 27 sept 2017 (AFP) — Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi a posé mercredi comme condition à toute négociation avec les autorités du Kurdistan l'annulation des résultats du référendum d'indépendance, pour lequel une victoire du "oui" est acquise.

Dans le même temps, les pays voisins de l'Irak, où se trouvent d'importantes minorités kurdes aspirant aussi au vieux rêve d'un État unique, ont menacé haut et fort de prendre des sanctions contre la région autonome.

Si ces menaces étaient mises à exécution, cela asphyxierait totalement l'entité kurde. Pour l'heure, la Turquie et l'Iran, qui ont aussi à perdre compte tenu de leurs importantes relations commerciales avec Erbil, en sont restés aux mots.

"Le référendum doit être annulé et un dialogue doit s'ouvrir dans le cadre de la Constitution. Nous ne discuterons jamais du résultat" du scrutin, a déclaré M. al-Abadi devant les députés irakiens, alors que l'officialisation de la victoire du "Oui" est attendue en soirée.

"Nous imposerons la loi irakienne dans toute la région du Kurdistan en vertu de la constitution", a-t-il ajouté.

Lors de la séance au Parlement, les députés ont aussi voté en faveur de la fermeture des postes-frontières se trouvant hors de l'autorité de l'Etat.

"Les marchandises qui pourraient y transiter" sont considérées "comme des marchandises de contrebande", est-il écrit dans un communiqué détaillant les décisions du Parlement.

Il existe quatre postes-frontières du Kurdistan avec la Turquie et l'Iran.

- 'Maintenir l'unité' -

Les députés ont également demandé au Premier ministre, en tant que chef des forces armées, de "prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l'unité de l'Irak, protéger les citoyens". Ils ont enfin réitéré leur exigence d'un envoi des forces de sécurité dans les zones disputées, dont Kirkouk.

Les zones disputées comprennent la province multi-ethnique de Kirkouk (nord), riche en pétrole, mais aussi des secteurs des provinces de Ninive (nord), Dyala et Salaheddine (nord de Bagdad). La plupart avaient été conquises par les peshmergas, les combattants kurdes, en 2014, à la faveur du chaos après l'offensive du groupe jihadiste État islamique (EI).

Le Premier ministre a encore intimé l'ordre au Kurdistan de remettre aux autorités centrales de Bagdad le contrôle de ses deux aéroports régionaux, à Erbil et Souleimaniyeh.

En cas de refus, tous les vols internationaux depuis et vers le Kurdistan seront interdits à partir de vendredi.

Des compagnies étrangères, comme Middle East Airways (Liban) et Egyptair, ont annoncé l'arrêt de leurs vols à compter de cette date et prévu des avions supplémentaires d'ici là pour permettre à ceux qui le souhaitent de partir.

En réaction aux menaces de Bagdad, le ministre des Transports du Kurdistan, Mawloud Bawah Mourad, a de son côté relevé mercredi que les aéroports d'Erbil et de Souleimaniyeh avaient été construits avec l'argent de la région autonome.

"Leur fermeture ou (leur) remise à l'Autorité irakienne de l'aviation civile portera atteinte à la vie des citoyens", a-t-il affirmé. Elle affectera aussi "l'aide apportée à la coalition (internationale) dans sa guerre contre le terrorisme", a ajouté M. Mourad.

- 'Un meilleur avenir' -

Les exigences posées par Bagdad mercredi constituent une fin de non-recevoir adressée à Massoud Barzani. "Au lieu de sanctions, venez aux négociations afin d'aboutir à un meilleur avenir pour vous et pour nous", avait en effet dit la veille le président kurde.

Il avait par ailleurs assuré que ce référendum ne visait pas à "délimiter la frontière ni à l'imposer de facto".

Dimanche, déjà, à la veille du vote, le pouvoir central irakien avait demandé aux pays étrangers de ne traiter qu'avec lui pour toutes les transactions pétrolières, l'or noir étant la principale source de revenus du Kurdistan irakien.

Plus de 3,3 millions de personnes se sont rendues aux urnes, soit 72,16% des 4,58 millions d'inscrits. A l'étranger, ce scrutin reste largement critiqué, tout particulièrement par la Turquie, la Syrie et l'Iran, trois pays voisins comptant des minorités kurdes.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde contre un risque de "guerre ethnique et confessionnelle" si le Kurdistan irakien menait à terme son projet.

Ankara détient la clé de l'asphyxie du Kurdistan car la quasi-totalité de son pétrole transite par le terminal turc de Ceyhan.

Une fermeture de l'oléoduc aurait toutefois aussi un prix pour les voisins immédiats: la Turquie exporte annuellement environ huit à dix milliards de dollars vers le Kurdistan, et l'Iran six milliards.

Les Etats-Unis se sont dits "profondément déçus" craignant que le scrutin "augmente l'instabilité" de la région. Le chef de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé "à des compromis".

La Russie, qui compte d'importants intérêts économiques au Kurdistan, s'est montrée plus réservée, disant considérer "avec respect les aspiration nationales kurdes". Moscou considère toutefois "que les disputes entre Bagdad et Erbil doivent être résolues par le dialogue avec l'objectif de trouver une formule de coexistence au sein de l'Etat irakien".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.