Jeudi 2 octobre 2025 à 05h03
Warabi (Japon), 2 oct 2025 (AFP) — "J'aime le Japon", dit Gur Sinan, un employé turc d'un restaurant de kebab dans la banlieue de Tokyo, quelques jours avant l'élection à la tête du parti au pouvoir samedi, dans laquelle la question de l'immigration prend une place prépondérante.
"Je veux rester longtemps ici", confie-t-il à l'AFP à Warabi, localité parmi les plus culturellement mixtes du pays, comptant de nombreuses boutiques halal et enseignes chinoises. "Les gens sont très gentils."
La question de l'immigration s'est invitée au premier plan de la campagne pour la présidence du Parti libéral-démocrate (PLD, droite nationaliste) avant le scrutin interne de samedi, dont l'issue déterminera probablement le prochain Premier ministre du Japon.
Les deux favoris pour succéder à l'actuel dirigeant Shigeru Ishiba et diriger le PLD sont la nationaliste radicale Sanae Takaichi et le médiatique Shinjiro Koizumi, qui tiennent tous deux un discours ferme sur la question des étrangers.
"Nous devrions reconsidérer les politiques qui permettent à des personnes aux cultures et aux origines complètement différentes d'entrer en grand nombre chaque année" au Japon, a affirmé Mme Takaichi.
"L'emploi illégal des étrangers et l'aggravation de la sécurité publique sont sources d'anxiété pour les habitants", a renchéri M. Koizumi.
- "Le Japon d'abord" -
Cet alarmisme est rare dans un pays qui, comparé à d'autres nations industrialisées, est très sûr, et où les personnes nées à l'étranger ne représentent que 3% de la population.
Mais la situation économique s'est tendue ces dernières années, l'inflation pesant sur le pouvoir d'achat, et les électeurs ont privé le PLD de sa majorité absolu dans les deux chambres du Parlement.
Le Japon enregistre également des nombres record de touristes étrangers, dont le comportement peut parfois irriter certains habitants.
Le dernier scrutin, en juillet, a signé l'essor du Sanseito, sous le slogan "Le Japon d'abord". Faisant écho aux populismes d'autres pays, ce parti blâme les étrangers pour une multitude de problèmes, de la hausse des prix de l'immobilier à l'insécurité routière.
"Des reportages sur les étrangers aux mauvais comportements sont souvent diffusés à la télévision, et cela touche les gens ordinaires", selon Sadafumi Kawato, professeur à l'Université de Tokyo.
Avec le vieillissement et la diminution de la population japonaise, 97,9% des chefs d'entreprise sont pourtant favorables à l'admission d'un plus grand nombre de travailleurs étrangers, selon une récente étude publiée par le quotidien Nikkei.
Quelque 65% d'entre eux souhaitent aussi que les arrivées soient plafonnées.
- "Détourner l'attention du public" -
A Warabi, où 12,4% de la population est née à l'étranger, Gur Sinan affirme ne rencontrer aucune hostilité.
Tranchant la viande à la broche, son collègue Alyoruk Ismail Yasal, 29 ans, acquiesce, mais ajoute: "Ce qui devient difficile, à mon avis, c'est de trouver un emploi au Japon."
Warabi et la ville voisine de Kawaguchi abritent une importante communauté kurde, devenue un point focal pour les opposants à l'immigration, qui y ont organisé des manifestations.
L'Association culturelle kurde du Japon à Kawaguchi dit avoir reçu des messages d'un "petit nombre d'éléments d'extrême droite et xénophobes", qualifiant notamment les Kurdes de "racaille".
"Le Japon est confronté à des problèmes structurels tels que la stagnation économique et la baisse du taux de natalité depuis près de 30 ans, et des solutions réalistes à ces problèmes n'ont pas été trouvées", rappelle le groupe.
"Au lieu de cela, le thème du +problème des étrangers+ est artificiellement mis en avant, détournant l'attention du public", indique-t-il à l'AFP.
En dehors du débat politique, l'atmosphère est parfois fébrile.
L'agence d'aide internationale japonaise a annulé le mois dernier un programme d'échanges avec quatre pays africains après un flot de protestations de personnes qui croyaient à tort que cette initiative était une nouvelle politique d'immigration.
Une autre ville a reçu des plaintes, selon les médias, après de fausses informations suggérant qu'elle allait proposer des repas scolaires adaptés aux musulmans.
Les résidents japonais de Warabi cohabitent généralement bien avec les nouveaux arrivants, malgré quelques frictions, comme sur le tri des déchets.
"On ne peut pas rejeter tous les étrangers à la manière de Trump. Mais nous ne pouvons pas tous les accueillir à bras ouverts", pense Kohei Toyoda, un retraité de 66 ans.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.