Lundi 26 février 2007 à 09h17
BAGDAD, 26 fév 2007 (AFP) — Jalal Talabani, premier président kurde de l'histoire de l'Irak, hospitalisé depuis dimanche en Jordanie, s'est construit une réputation d'homme de paix pour avoir tenté de réduire les divisions entre les différentes communautés du pays.
Ennemi juré du président déchu Saddam Hussein, qui a opprimé sa communauté pendant des décennies et gazé son peuple, M. Talabani, 74 ans, avait été élu en avril 2005 président de la République, après avoir consacré une grande partie de sa vie à lutter dans la clandestinité contre l'Etat irakien.
Proche allié des Etats-Unis, il a aussi réussi son pari de contredire ceux qui décrivent les Kurdes comme des citoyens de "seconde zone".
Depuis le début de son mandat, il s'est voulu apaisant avec les Etats voisins, dont la Syrie et l'Iran, honnis par les Etats-Unis qui les accusent d'alimenter la guérilla en Irak. Mais il a aussi jugé que tout départ prématuré des GI's serait "catastrophique".
Il s'est aussi attelé à la tâche presque impossible de surmonter, dans l'Irak de l'après-Saddam, les profondes divisions qui séparent musulmans sunnites et chiites, Arabes et Kurdes.
Celui que ses camarades surnomment affectueusement "Oncle Jalal" est né en 1933 à Kalkan, village perché dans la montagne à 400 km au nord-est de Bagdad, avant de rejoindre très jeune la politique, par admiration pour Moustafa Barzani, figure légendaire du combat nationaliste kurde,
Petit, le visage rond, un embonpoint certain, il est toujours vêtu d'un costume cravate. Connu pour sa simplicité et son sens de l'humour, il demande souvent aux journalistes irakiens de lui dire ce que se racontent les gens.
Elève à Kirkouk, il rêve à 15 ans de devenir médecin mais opte finalement pour le droit afin de se consacrer à la politique. Sa participation en 1952 à une manifestation anticolonialiste à Bagdad l'oblige à interrompre ses études, qu'il reprendra après la chute de la royauté en 1958.
Il effectue entre-temps son service militaire dans l'artillerie et les blindés. Il rejoint le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), fondé en août 1946, et combat dans les montagnes pendant la première grande révolte kurde de 1961.
Mais lorsque le chef charismatique Barzani signe en février 1964 un accord de paix avec Bagdad ne mentionnant pas l'autonomie du Kurdistan, Jalal Talabani entre en dissidence et part pour l'Iran.
Après la rupture définitive avec le PDK, il annonce en juin 1975 à Damas la création de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui se veut plus à gauche que son rival.
La rivalité UPK/PDK marquera dès lors la vie politique kurde.
Une nouvelle révolte éclate dans les années 1980 et l'homme fort du pays, Saddam Hussein, rasera des centaines de villages et déplacera des populations kurdes dans sa campagne surnommée "Anfal" en 1988, qui a fait plus de 100.000 morts dans le nord de l'Irak.
Après la guerre du Golfe en 1991, l'armée irakienne, défaite par les troupes de la coalition au Koweït, lance une offensive dans le nord en poussant des centaines de milliers de Kurdes à l'exil. L'intervention des puissances occidentales stoppera l'offensive et permettra aux Kurdes d'instaurer un gouvernement autonome.
En 1993, la rivalité latente entre le PDK et l'UPK, dirigé par Massoud Barzani, le fils de Moustafa, dégénère en conflit armé.
Jalal Talabani use de la force pour casser le monopole du PDK sur la perception des taxes douanières avec la Turquie. Un cessez-le-feu est conclu en 1996, puis un accord de paix en 1998, mais le véritable rapprochement intervient en 2002 alors que l'invasion de l'Irak semble inévitable.
Après la chute de Saddam Hussein en 2003, Jalal Talabani et Massoud Barzani, qui deviendra en 2005 président du Kurdistan autonome, enterrent la hache de guerre et font liste commune pour les élections de janvier et décembre 2005.
M. Talabani est marié et père de deux enfants.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.