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Jalal Talabani: de la clandestinité à la magistrature suprême


Dimanche 23 avril 2006 à 13h33

BAGDAD, 23 avr 2006 (AFP) — Jalal Talabani, premier président kurde de l'histoire moderne de l'Irak, réélu samedi pour un mandat de quatre ans, a réussi son pari de démentir ceux qui décrivent les Kurdes comme des citoyens de "seconde zone".

Sa réélection a été l'occasion de réjouissances dans son bastion de Souleimaniyah, l'une des trois provinces du Kurdistan irakien.

Ennemi juré du président déchu Saddam Hussein, qui a opprimé sa communauté pendant des décennies et gazé son peuple, M. Talabani, 73 ans, avait été élu en avril 2005 président de la République, après avoir consacré une grande partie de sa vie à lutter contre l'Etat irakien.

Au cours de son mandat, le dirigeant kurde s'est voulu apaisant avec les Etats voisins, dont la Syrie et l'Iran, honnis par les Etats-Unis qui les accusent d'alimenter la guérilla en Irak. Mais il a aussi jugé "catastrophique" tout départ prématuré des GI's.

Celui que ses camarades surnomment affectueusement "Oncle Jalal" est né à Kalkan, village perché dans la montagne à 400 km au nord-est de Bagdad, avant de rejoindre très jeune la politique, par admiration pour la figure légendaire du combat nationaliste kurde, Moustafa Barzani.

Petit, le visage rond, un embonpoint certain, il est toujours vêtu d'un costume cravate. Connu pour sa simplicité et son sens de l'humour, il demandait souvent aux journalistes irakiens de lui dire ce que se racontent les gens.

Elève à Kirkouk, il rêve à 15 ans de devenir médecin mais opte finalement pour le droit afin de se consacrer à la politique. Sa participation en 1952 à une manifestation anticolonialiste à Bagdad l'oblige à interrompre ses études, avant de les reprendre après la chute de la royauté en 1958.

Il effectue entre-temps son service militaire dans l'artillerie et les blindés. Il rejoint le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), fondé en août 1946, et combat dans les montagnes pendant la première grande révolte kurde de 1961.

Mais lorsque le chef charismatique Barzani signe en février 1964 un accord de paix avec Bagdad ne mentionnant pas l'autonomie du Kurdistan, Jalal Talabani entre en dissidence et part pour l'Iran.

Il voit d'un bon oeil l'arrivée du parti Baas au pouvoir en 1968, mais la lune de miel ne dure pas. Après la violation de l'accord de 1974, M. Talabani rompt avec le PDK et annonce en juin 1975 à Damas la formation de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui se veut plus à gauche que son rival.

La rivalité UPK/PDK marquera dès lors la vie politique kurde. Une nouvelle révolte éclate dans les années 1980 et l'homme fort du pays, Saddam Hussein, rasera des centaines de villages et déplacera des populations kurdes dans sa campagne surnommée "Anfal" en 1988, qui a fait plus de 100.000 morts au nord du pays.

Après la guerre du Golfe en 1991, l'armée irakienne, défaite par les troupes de la coalition au Koweït, lance une offensive dans le nord en poussant des centaines de milliers de Kurdes à l'exil. L'intervention des puissances occidentales stoppera l'offensive et permettra aux Kurdes d'instaurer un gouvernement autonome.

Mais la rivalité entre le PDK et l'UPK est latente. Un conflit armé éclate en 1993: Jalal Talabani use de la force pour casser le monopole du PDK sur la perception des taxes avec la Turquie. Un cessez-le-feu est conclu en 1996, puis un accord de paix en 1998, mais le véritable rapprochement intervient en 2002 alors que l'invasion de l'Irak semble inévitable.

Après le renversement de Saddam Hussein en 2003, Jalal Talabani et Massoud Barzani, devenu en 2005 président du Kurdistan autonome, enterrent la hache de guerre et leurs formations font liste commune pour les élections de janvier et de décembre 2005.

M. Talabani est marié et père de deux enfants.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.