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Iran: six jours de colère après la mort d'une jeune femme


Jeudi 22 septembre 2022 à 15h34

Paris, 22 sept 2022 (AFP) — Voici le film de six jours de protestations en Iran contre la mort d'une jeune femme arrêtée à Téhéran par la police des moeurs.

- Dans le coma après son arrestation -

Le jeudi 15 septembre, des défenseurs des droits de l'Homme rapportent qu'une iranienne de 22 as est dans le coma après avoir été arrêtée deux jours plus tôt à Téhéran par la police des moeurs.

Mahsa Amini visitait la capitale iranienne avec sa famille quand elle a été arrêtée par cette unité spéciale de la police notamment chargée de faire appliquer l'obligation de porter le voile.

La police de Téhéran assure que la jeune femme a été "prise subitement d'un problème cardiaque".

Le président iranien Ebrahim Raïssi demande l'ouverture d'une enquête.

- Décès "suspect" -

Mahsa Amini décède à l'hôpital le lendemain, après trois jours de coma.

L'ONG Amnesty International exhorte à traduire en justice les responsables de son décès jugé "suspect", se faisant l'écho d'accusations "de torture et d'autres mauvais traitements". Des militants assurent que la victime a reçu un coup mortel à la tête.

La police se défend en assurant qu'il n'y a "pas eu de contact physique" avec la jeune femme. La télévision d'Etat diffuse des extraits d'une vidéo montrant une salle, visiblement au commissariat, où l'on peut voir de nombreuses femmes. L'une d'elles, présentée comme Mahsa Amini, se lève pour discuter avec une "instructrice" au sujet de sa tenue vestimentaire, puis s'effondre.

Washington condamne un décès "impardonnable", Bruxelles le jugera "inacceptable".

- Première manifestation dispersée -

Mahsa Amini est inhumée samedi dans sa ville natale de Saghez, dans la province du Kurdistan. Une manifestation se forme après les funérailles, elle est dispersée à coups de gaz lacrymogènes.

De nombreuses personnalités expriment leur colère sur les réseaux sociaux. "Nous sommes endormis, sans réaction face à cette cruauté sans fin, nous sommes complices de ce crime", estime le cinéaste oscarisé Asghar Farhadi. "Les cheveux de nos filles sont recouverts d'un linceul", écrivent plusieurs joueurs de l'équipe nationale de football sur le réseau social Instagram.

Le chef du bureau du médecin légiste de Téhéran déclare que les enquêtes sur la cause du décès prendront trois semaines.

De nouvelles manifestations ont lieu les jours suivants, notamment à Téhéran et à Mashhad, et sont dispersées. Lundi soir, au centre de Téhéran, des manifestants, parmi lesquels des femmes sans voile, scandent des slogans hostiles aux autorités dans la rue Hejab ("voile musulman" en persan).

- "Transférée tardivement à l'hôpital" -

Alors qu'Amjad Amini, le père de la victime, déclare que la vidéo diffusée par la police a été "coupée" et affirme que sa fille a "été transférée tardivement à l'hôpital", le chef de la police rejette de nouveau des "accusations injustes".

Le même jour, un représentant du guide suprême Ali Khamenei se rend au domicile familial de Mahsa Amini.

Mardi, un parlementaire iranien, dans une prise de position inhabituelle, critique la "police des moeurs", jugeant qu'elle "n'obtient aucun résultat, sauf causer des dommages au pays".

- Des manifestants tués -

Dans la nuit de mardi à mercredi, les manifestations s'étendent à une quinzaine de villes, bloquant la circulation, incendiant des poubelles et des véhicules de police, lançant des pierres sur les forces de sécurité et scandant des slogans hostiles au pouvoir. La ville sainte de Qom, cité natale du guide suprême, n'est pas épargnée.

Selon la télévision d'Etat, 17 personnes, "dont des manifestants et des policiers" ont été tués, sans donner plus de précisions.

Mais le bilan risque d'être bien plus lourd, l'ONG d'opposition Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo, faisant état d'au moins 31 civils tués par les forces de sécurité.

Les responsables iraniens ont néanmoins nié toute implication des forces de sécurité dans la mort des protestataires.

- Instagram et WhatsApp bloqués -

Mercredi, les autorités bloquent l'accès à Instagram et à la messagerie WhatsApp, les deux applications les plus utilisées en Iran depuis le blocage des plateformes comme Youtube, Facebook, Telegram, Twitter et Tiktok ces dernières années. De plus l'accès à Internet est largement filtré ou restreint pas les autorités.

L'annonce du décès de la jeune Iranienne a suscité de vives condamnations internationales: de l'ONU, des Etats-Unis, de la France, du Royaume-Uni notamment.

"Nous sommes aux côtés des courageux citoyens et des courageuses femmes d'Iran", a déclaré le président américain Joe Biden à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU.

jah/ang/rm

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.