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Iran: première exécution d'un homme impliqué dans les manifestations


Jeudi 8 decembre 2022 à 11h53

Paris, 8 déc 2022 (AFP) — L'Iran a exécuté jeudi pour la première fois depuis le début des manifestations qui secouent le pays, un homme accusé d'avoir blessé un paramilitaire après avoir bloqué la circulation sur une avenue de Téhéran, des militants des droits humains dénonçant des "procès-spectacles".

La République islamique est le théâtre d'un mouvement de contestation déclenché par la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une Kurde iranienne de 22 ans décédée après son arrestation par la police des moeurs. Cette dernière lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique imposant notamment le port du voile pour les femmes.

"Mohsen Shekari, un émeutier qui avait bloqué le 25 septembre le boulevard Sattar Khan et poignardé avec une machette un Bassidj, a été exécuté jeudi matin à Téhéran", précise l'agence Mizan Online.

Au total, dix personnes risquent le même sort pour leur participation aux manifestations.

Selon l'organe du pouvoir judiciaire, Mohsen Shekari avait été accusé d'être un "ennemi de Dieu" et condamné par le tribunal révolutionnaire de Téhéran le 1er novembre. Son appel a été rejeté par la Cour suprême le 20 novembre rendant la peine exécutoire.

Son exécution a été dénoncée par des militants des droits humains à l'étranger.

"L'exécution de Mohsen Shekari doit susciter de vives réactions, sinon nous serons confrontés à des exécutions quotidiennes de manifestants", a déclaré Mahmood Amiry-Moghaddam, directeur du Iran Human Rights (IHR) basé à Oslo.

Shekari a été "condamné à mort dans des procès-spectacles sans procédure régulière", a-t-il encore dit sur Twitter. "Cette exécution doit avoir des conséquences pratiques rapides au niveau international".

L'autorité judiciaire précise jeudi que Mohsen Shekari a été reconnu coupable d'avoir dégainé "son arme avec l'intention de tuer, de provoquer la terreur et de troubler l'ordre et la sécurité de la société".

"Il a intentionnellement blessé un Bassidj à l'arme blanche, qui a nécessité 13 points de suture alors qu'il accomplissait son devoir, et a bloqué la rue Sattar Khan à Téhéran", ajoute l'agence.

- Centaines de morts -

Mardi, la justice iranienne avait prononcé la peine capitale à l'encontre de cinq personnes pour avoir tué un paramilitaire lors des manifestations, une décision condamnée par des militants des droits humains comme un moyen de "répandre la peur" et d'arrêter les manifestations.

Ces peines portent à onze le nombre de condamnations à mort, des verdicts dénoncés par Amnesty International comme ayant été prononcés à l'issue de "simulacres de procès".

Depuis le début des manifestations à la mi-septembre, les autorités dénoncent des "émeutes", accusant régulièrement les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux ainsi que des groupes kurdes basés à l'étranger, d'être les instigateurs de ce mouvement de contestation sans précédent.

La répression du mouvement a déjà fait au moins 458 morts depuis mi-septembre, selon un bilan communiqué mercredi par Iran Human Rights.

Des milliers de personnes dont des journalistes, des acteurs et des avocats ont été interpellées lors des manifestations menées depuis la mort de Mahsa Amini par des femmes, des étudiants universitaires et des écolières avec un slogan phare : "Femme, vie, liberté".

Lors des rassemblements, largement pacifiques, des manifestantes ont enlevé et brûlé leur foulard dans les rues, scandé des slogans antigouvernementaux et affronté les forces de sécurité.

Plus de 2.000 personnes ont été inculpées, dont la moitié à Téhéran, depuis le début de la contestation, selon les chiffres officiels de la justice iranienne.

Le Conseil suprême de la sécurité nationale a indiqué samedi que "plus de 200 personnes" incluant civils et forces de sécurité avaient été tuées. Un général des Gardiens de la Révolution avait lui fait état avant de plus de 300 morts.

Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a instauré le 24 novembre une commission d'enquête internationale sur la répression des manifestations en Iran.

Au moins 28 personnes, dont trois mineurs, pourraient être exécutées en lien avec la contestation, a indiqué Amnesty dans un communiqué publié le 2 décembre.

L'ONG accuse les autorités d'utiliser la peine de mort comme "un outil de répression politique dans le but d'instiller la peur parmi la population et de mettre fin" à la contestation.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.