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Iran: nouvelles manifestations, la colère attisée par les morts


Vendredi 28 octobre 2022 à 19h59

Paris, 28 oct 2022 (AFP) — De nouvelles manifestations ont eu lieu en Iran pour protester contre le meurtre de participants au mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini il y a six semaines, selon des ONG et vidéos vérifiées par l'AFP.

Depuis la mort de cette Kurde iranienne de 22 ans le 16 septembre, la contestation, menée notamment par les femmes, ne faiblit pas. Mahsa Amini est décédée trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des moeurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique.

Au slogan initial de "femmes, vie, liberté" se sont ajoutés, au fil de manifestations pourtant durement réprimées, des mots d'ordre ouvertement dirigés contre la République islamique fondée en 1979.

Le mouvement est alimenté par la colère face au nombre de personnes tuées par les forces de l'ordre, qui peinent à l'éteindre: l'ONG Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo fait état d'au moins 160 morts, dont une vingtaine de mineurs. Plus de mille personnes ont été inculpées, dont certaines risquent la peine capitale, selon les autorités.

Des ONG craignent une accélération de la répression alors que des hommages sont rendus à la fin du deuil traditionnel de 40 jours aux premiers morts, tués au début du mouvement.

Mercredi, des milliers de personnes avaient ainsi afflué à Saghez, la ville d'origine de Mahsa Amini dans la province du Kurdistan, pour cette fin du deuil.

Des incidents ont aussi éclaté jeudi près de Khorramabad (ouest) où une foule s'était rassemblée sur la tombe de Nika Shahkarami, 16 ans, morte 40 jours plus tôt, selon des vidéos vérifiées.

"Je tuerai, je tuerai, quiconque a tué ma soeur", scandaient les manifestants dans une vidéo publiée par HRANA, un groupe de défense des droits basé aux Etats-Unis.

- Tirs à Zahedan -

D'autres incidents se sont produits jeudi après l'enterrement d'un manifestant de 35 ans, Ismaïl Mauludi, à Mahabad (ouest) où les forces de sécurité ont ouvert le feu et tué trois personnes, selon le groupe de défense des droits humains Hengaw.

"Mort au dictateur", criaient les manifestants, visant le guide suprême l'ayatollah Ali Khamenei, alors que les bureaux du gouverneur de Mahabad brûlaient, selon les images d'une vidéo vérifiée, publiée en ligne.

Deux autres manifestants sont morts à Baneh (ouest), selon Hengaw.

Au total, huit manifestants dans quatre provinces (Kurdistan, Azerbaïdjan occidental, Kermanshah et Lorestan) ont été tués entre mercredi soir et jeudi, a indiqué jeudi Amnesty international.

Par ailleurs, la ville de Zahedan, dans la province du Sistan-Baloutchistan (sud-est), l'une des plus pauvres d'Iran, a été touchée par plusieurs jours de violences déclenchées le 30 septembre lors de manifestations contre le viol d'une jeune fille imputé à un policier, qui ont fait au moins 93 morts selon l'IHR.

Les médias proches du pouvoir iranien avaient pour leur part décrit les affrontements de Zahedan comme un "incident terroriste" dirigé contre un poste de police et ayant conduit à la mort d'au moins huit membres des forces de sécurité.

Vendredi, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants à Zahedan, ont affirmé les ONG HRANA et IHR, publiant des vidéos montrant des protestataires prendre la fuite après des coups de feu.

De son côté, le Conseil de sécurité du Sistan-Baloutchistan a dénoncé les "émeutes" à Zahedan, affirmant qu'un "nombre de citoyens et de forces de sécurité ont été blessés par des balles tirées des inconnus".

Plus tôt, les autorités iraniennes ont limogé deux hauts responsables de la sécurité à Zahedan, dont le chef de la police, après la publication d'une enquête faisant étant de "négligences de la part de certains officiers" ayant conduit à la mort de civils "innocents".

- Vers plus de répression ? -

Des analystes pointent que les autorités iraniennes ont tenté d'étouffer la contestation par des moyens autres que la répression violente, sans doute pour éviter d'alimenter la colère populaire.

"Pour l'instant, ils semblent essayer d'autres techniques - arrestations et intimidations, coupures d'Internet calibrées, meurtre de certains manifestants...", a déclaré à l'AFP Henry Rome, spécialiste de l'Iran au Washington Institute.

"Je doute que les forces de sécurité aient exclu de mener une répression violente à plus grande échelle", a-t-il néanmoins estimé.

"Ils font peut-être le calcul que davantage de meurtres aurait pour effet d'encourager les manifestants plutôt que de les dissuader ; si ce jugement change, alors la situation pourrait probablement devenir encore plus violente", a-t-il ajouté.

De son côté, le directeur d'IHR, Mahmood Amiry-Moghaddam, a exhorté vendredi l'ONU à "accroître la pression diplomatique sur l'Iran et à mettre en place un mécanisme d'enquête pour juger les responsables" de la répression. "Le risque d'un massacre est réel et l'ONU doit faire en sorte que cela ne se produise pas."

Pour leur part, les dirigeants iraniens ont continué de pointer du doigt les "ennemis" de l'Iran.

Dans un communiqué, le ministère des Renseignements et les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de l'Iran, ont accusé vendredi la CIA, l'agence de renseignement américaine, et ses "alliés (...) de Grande-Bretagne, d'Israël et de l'Arabie saoudite" de "consiprer" contre la République islamique.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.