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Iran: internet coupé pour mieux réprimer les manifestations, accusent des ONG


Vendredi 23 septembre 2022 à 17h53

Paris, 23 sept 2022 (AFP) — Les autorités iraniennes ont fortement restreint l'accès à internet et aux réseaux mobiles pour tenter de limiter les capacités de rassemblement des manifestants et pouvoir les réprimer à huis clos, selon des ONG.

Les défenseurs des droits humains s'inquiètent notamment du blocage d'Instagram, réseau social extrêmement populaire en Iran, qui pourrait permettre une répression "à l'abri des regards", selon Amnesty International.

Le pouvoir a bloqué l'accès à Instagram et à WhatsApp après six jours de protestations provoquées par la mort de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée par la police des moeurs, dans lesquelles au moins 17 personnes ont péri, selon un bilan d'un média d'Etat jeudi.

Mais le bilan risque d'être bien plus lourd, le Centre pour les droits humains en Iran (CHRI), ONG basée à New York, faisant état d'au moins 36 civils tués par les forces de sécurité.

NetBlocks, un site basé à Londres qui observe les blocages d'internet à travers le monde, a décrit les restrictions comme "les plus sévères" en Iran depuis la répression meurtrière des manifestations de novembre 2019, quand internet avait été presque totalement coupé.

L'organisation affirme que les réseaux mobiles ont été temporairement suspendus, qu'il y a d'importantes restrictions d'accès dans certaines régions, et qu'Instagram et WhatsApp ont été bloqués.

Elle a annoncé vendredi que "l'internet mobile a été perturbé une troisième fois", avec une perte de connectivité "à l'échelle nationale".

"C'est différent de ce que nous avions vu en novembre 2019, ce n'est pas aussi massif, mais plus répété", a expliqué Mahsa Alimardani, chercheuse sur l'Iran pour l'organisation de défense des droits Article 19.

"Mais il y a clairement beaucoup de perturbations et de coupures", ajoute-t-elle, soulignant que certaines personnes réussissent à contourner les restrictions en utilisant des VPN.

Elle estime que les autorités pourraient craindre les effets négatifs sur l'économie du pays en cas de coupure complète et qu'elles peuvent aussi s'appuyer sur le "réseau national d'information", une sorte d'internet national.

Les restrictions "compliquent" la publication de vidéos des manifestations, mais "elles continuent de circuler", selon elle.

- "Possibilité d'un bain de sang" -

Parmi ces vidéos publiées sur les réseaux figurent celles de femmes brûlant leur voile, des manifestants déchirant des effigies des dirigeants de la République islamique, mais aussi des forces de l'ordre tirant sur la foule.

Lors des manifestations de novembre 2019, provoquées par l'augmentation du prix des carburants, la coupure d'internet avait permis aux autorités de réprimer pratiquement à huis clos.

Amnesty International affirme que 321 personnes avaient été tuées alors, soulignant que ce nombre ne recouvre que les cas avérés et que le bilan réel de victimes pourrait être beaucoup plus élevé.

L'ONG se dit "très préoccupée par les perturbations d'accès à internet et aux réseaux mobiles provoquées par les autorités", et appelle la communauté internationale à faire rapidement pression pour que Téhéran "cesse de tuer et blesser encore plus de manifestants à l'abri des regards".

Hadi Ghaemi, le directeur du CHRI, estime que "la possibilité d'un bain de sang est maintenant réelle".

"Le gouvernement a bloqué internet car il veut empêcher les gens de partager avec le monde extérieur les preuves des atrocités commises par l'Etat", selon lui.

Le patron d'Instagram, Adam Mosseri, a confié son inquiétude, tandis que WhatsApp a souligné qu'elle n'était pas à l'origine des perturbations, ajoutant que le groupe "ferait tout ce qui est dans (ses) capacités pour maintenir le service".

Le service de messagerie Signal a confirmé être toujours bloqué en Iran et encouragé ses utilisateurs hors du pays à utiliser des solutions de contournement via des serveurs intermédiaires pour permettre aux Iraniens de se connecter.

Après l'interdiction de plusieurs plateformes ces dernières années, comme Facebook, Twitter, Telegram, Youtube ou TikTok, Instagram et WhatsApp sont devenus les réseaux sociaux les plus largement utilisés en Iran.

Les Etats-Unis ont du reste annoncé vendredi un desserrement du régime de sanctions qu'ils imposent à l'Iran, afin de permettre aux entreprises technologiques de fournir des plateformes et services permettant aux Iraniens d'accéder à internet.

Les observateurs ont aussi relevé un ciblage géographique des blocages, notamment dans le Kurdistan (nord-ouest), région d'origine de Mahsa Amini, où ont eu lieu certaines des manifestations les plus violentes.

sjw/fz/am

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.