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Irak: une ONG yézidie accuse les forces kurdes d'avoir fermé ses bureaux


Mercredi 4 janvier 2017 à 13h27

Erbil (Irak), 4 jan 2017 (AFP) — Les forces de sécurité du Kurdistan irakien ont fermé les bureaux d'une ONG qui vient en aide à la minorité yézidie dans le nord de l'Irak, a dénoncé l'organisation mercredi.

Les Yézidis, minorité kurdophone adepte d'une religion monothéiste pré-islamique, ont été violemment persécutés par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) lors de leur offensive de 2014 en Irak.

En mars 2015, l'ONU avait qualifié l'assaut de l'EI contre les Yézidis de "tentative de génocide" et réclamé la saisie de la Cour pénale internationale (CPI).

La fermeture des bureaux de Yazda dans la ville septentrionale de Dohouk a été critiquée par l'ONG Human Rights Watch (HRW) ainsi que par Nadia Murad, jeune yézidie enlevée et forcée à l'esclavage sexuel par l'EI.

"Les Assayech (forces des services de sécurité kurdes, ndlr) ont mené un raid contre les principaux bureaux de Yazda à Dohouk lundi (...) et ordonné leur fermeture ainsi que l'arrêt de tous les projets" de l'organisation dans les camps de déplacés yézidis, a indiqué Yazda dans un communiqué.

Selon un bilan dressé en août 2015 par le gouvernement du Kurdistan irakien, sur les 550.000 Yézidis d'Irak, 400.000 ont été déplacés par les combats. Environ 1.500 sont morts et près de 4.000 sont en captivité.

L'organisation Yazda affirme que le gouvernement kurde l'accuse d'agir illégalement, d'être engagée dans des activités politiques et de travailler sans permis.

Nous ne sommes pas "une entité politique mais une organisation qui défend partout les droits des Yézidis", a-t-elle-réagi.

Les autorités kurdes "doivent bien réfléchir aux conséquences de la fermeture de Yazda et revenir sur leur décision conformément à leurs obligations internationales de faciliter, et non d'entraver, l'assistance humanitaire", a affirmé Belkis Wille, spécialiste de l'Irak pour HRW.

Ces autorités n'étaient pas joignables dans l'immédiat pour tout commentaire.

La décision des forces kurdes pourrait être liée au projet de Yazda de venir en aide à au moins 3.000 familles de Sinjar, la ville où est concentrée la minorité yézidie, a indiqué Mme Wille citant une source proche de l'ONG.

Ce plan, qui s'inscrit dans un projet plus large du Programme des Nations unies pour le développement, va, selon la spécialiste, à l'encontre de la politique des autorités kurdes de restreindre la circulation de marchandises vers Sinjar, de peur qu'elles ne tombent entre les mains du Parti des travailleurs kurdes (PKK).

Le PKK est classé organisation "terroriste" par Ankara, qui est le plus proche allié du gouvernement kurde irakien.

Ce groupe séparatiste rebelle, également implanté en Turquie voisine, possède depuis longtemps des bases dans le nord de l'Irak mais y a renforcé sa présence depuis les conquêtes fulgurantes de l'EI dans la région en 2014.

En décembre, HRW jugeaient déjà "disproportionnées" les restrictions imposées par les autorités kurdes irakiennes sur la circulation des biens vers la région de Sinjar.

La militante yézidie Nadia Murad, qui s'est vue décerner par le Parlement européen le prix Sakharov, a également appelé le gouvernement kurde à revenir sur sa décision. C'est "une honte de fermer (l'organisation) qui soutient ma campagne", a-t-elle écrit sur les réseaux sociaux.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.