Mercredi 15 juillet 2009 à 10h36
BAGDAD, 14 juil 2009 (AFP) — Malgré une médiation américaine, le conflit territorial entre Bagdad et la région autonome du Kurdistan est dans une impasse dangereuse risquant de dégénérer en affrontements armés sans le début d'un dialogue sérieux, préviennent acteurs politiques et experts.
L'administration américaine a rapidement pris conscience du danger du statu quo dans le nord de l'Irak, où les incidents entre les Peshmergas kurdes et l'armée irakienne ne sont pas rares sur une frontière invisible de l'Iran à la Syrie.
Non seulement le dialogue est au point mort entre Bagdad et Erbil, la capitale du Kurdistan, mais les deux camps multiplient les provocations et usent d'une rhétorique incendiaire, contribuant à envenimer la situation.
Personne ne veut "la guerre", explique un diplomate occidental de premier rang. "Mais quand il existe de sérieuses tensions et que les gens sont extrêmement bien armés, quelque chose peut facilement arriver", insiste-t-il.
Comme l'ont montré des incidents en début d'année, le "face-à-face tendu pourrait déclencher par inadvertance un conflit plus large en l'absence d'une communication rapide, précise et d'une direction politique forte", souligne le groupe de réflexion International Crisis Group (ICG) dans un récent rapport.
Invoquant la lutte contre le terrorisme et la défense des infrastructures pétrolières, Bagdad a envoyé à l'été 2008 des milliers de soldats dans les zones disputées --victimes de la politique d'arabisation de Saddam Hussein, comme Khanaqine-- où les Peshmergas ont pris position depuis 2003.
Le gouvernement de Nouri al-Maliki a notamment déployé sa 12ème division à Kirkouk et placé à sa tête le général Abdel Amir al-Zaydi, un ancien officier baassiste de Saddam Hussein. Une attaque frontale pour les Kurdes.
Décidés à ne pas lâcher d'un pouce, ils ont voté le 24 juin une constitution qui prévoit d'intégrer au Kurdistan les zones mixtes contestées, notamment la province de Kirkouk.
"Kirkouk est kurde comme Erbil, Souleimaniyah ou Dohuk et fait partie du Kurdistan. Tous les documents historiques et géographiques le prouvent", a encore martelé mardi Massoud Barzani.
Côté arabe, la colère gronde, unissant sunnites et chiites. "La constitution kurde nous rend furieux car elle est la première étape d'un projet de sécession", assure à l'AFP Salah al-Obeidi, porte-parole du mouvement sadriste chiite.
Quant à la minorité turcomane, opposée aux projets du Kurdistan, elle veut créer des milices armées, pour, officiellement, se défendre face aux fréquents attentats qui la frappent.
Ce conflit territorial est d'autant plus difficile à résoudre qu'il repose de chaque côté "sur une énorme question existentielle", résume le diplomate occidental.
"D'un côté, les Kurdes parlent de leur propre survie: +Les arabes vont-ils revenir et faire ce qu'ils n'ont pas réussi (sous Saddam)?+ alors que le reste de l'Irak se demande si les Kurdes vont empêcher un Etat irakien viable" d'exister.
Appuyé dans ses efforts par Washington, l'ONU favorise une solution médiane prévoyant par exemple un statut spécial pour Kirkouk qui aurait des liens institutionnels à la fois avec les pouvoirs central et régional kurde.
Mais l'intransigeance des acteurs, surtout de Massoud Barzani, à qui l'on prête un tempérament coléreux, bloque tout progrès, d'autant que les Etats-Unis et les pays proches des kurdes comme la France, à travers son chef de la diplomatie Bernard Kouchner, manquent de franchise, selon le diplomate.
"Personne ne regarde Massoud Barzani dans les yeux pour lui dire (...): arrêtez de faire monter la tension".
"La meilleure façon de faire baisser la tension serait de créer un dialogue sérieux entre Bagdad et Erbil", reprend le député indépendant kurde, Mahmoud Othman. Problème: "Tout le monde parle de pourparlers mais personne ne prend de réelle initiative".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.