Dimanche 25 juin 2006 à 06h15
INKAWA (Irak), 25 juin 2006 (AFP) — "Nous n'avons pas le choix", dit un squatter en montrant l'abri qu'il a aménagé pour sa famille dans un cimetière chrétien au Kurdistan irakien, après avoir fui l'insécurité de Bagdad.
"Nous craignons les serpents et les scorpions, surtout pour les enfants, mais c'est mieux que de camper à la belle étoile", se console Imad Matti, qui a installé femme et enfants dans la nécropole de la localité d'Inkawa, près d'Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan irakien.
Alors que l'ensemble de l'Irak s'inquiète des déplacements forcés de chiites et sunnites en raison des tensions intercommunautaires, la fuite de nombreux chrétiens de Bagdad n'a pas eu la même publicité.
Et, pourtant l'exode est réél avec l'arrivée à Inkawa, ces dernières semaines, de quelque 70 familles chrétiennes, selon des responsables kurdes.
Ces chrétiens appréhendent la situation qui devient de plus en plus intenable dans la capitale avec les menaces de groupes armés et les attaques contre leurs commerces, débits de boissons, salons de coiffure ou boutiques de prêt-à-porter.
Imad Matti a transformé en chambre la guérite du gardien du cimetière tandis qu'Haval Emmanuel s'est construit une chambre en pisé au milieu des tombes.
"Habiter une chambre en pisé dans l'Irak pétrolier", l'homme trouve la situation paradoxale. "Mais, aussi difficiles que soient nos conditions, nous les acceptons, car on ne peut pas mettre en danger la vie des nôtres", dit-il.
Les autorités religieuses chrétiennes restent très discrètes sur les difficultés de leurs coreligionnaires en Irak, à l'instar du chef de l'Eglise chaldéenne, Mgr Emmanuel Dely, qui, sollicité par l'AFP, a refusé d'évoquer cette question.
C'est le représentant de la Ligue arabe, le Marocain Mokhtar Lamani, nouvellement arrivé en Irak, qui a attiré l'attention sur ce problème.
"Lors d'une récente visite au Kurdistan, j'ai appris que tous les membres de la communauté sabéenne de Bagdad, soit 20 à 25.000 personnes avaient présenté une demande collective pour émigrer au Kurdistan", a-t-il déclaré à l'AFP.
"En outre, 3.500 familles chrétiennes ont émigré récemment de Bagdad vers le Kurdistan après avoir reçu des menaces", a-t-il ajouté.
Les Sabéens ou Mandéens sont environ 60.000 en Irak où ils pratiquent le baptême comme les chrétiens et le jeûne comme les musulmans. Fidèles de Saint Jean Baptiste, ils vivent principalement dans le sud du pays et à Bagdad.
L'arrivée des chrétiens à Inkawa a donné un coup de fouet à l'immobilier ce qui ne fait pas l'affaire des familles modestes. Impossible de louer un deux pièces à moins de 500 dollars par mois et il faut compter le double pour s'offrir un logement plus spacieux.
Les autorités kurdes offrent certes 100 dollars mensuels par famille mais c'est insuffisant pour permettre à Imad Matti d'avoir un logement.
Mazen Francis a réussi à en avoir un en faisant travailler son fils dans la forge qu'il a ouverte, plutôt que l'envoyer à l'école. D'autres familles louent ensemble un seul appartement. La demande reste soutenue aux dires d'un agent immobilier d'Inkawa, qui compte plus de 30.000 habitants, presque exclusivement des chrétiens.
"De trois à six chefs de familles se présentent quotidiennement pour chercher un logement et il devient de plus en plus difficile de les satisfaire", dit l'agent Kameran Matti.
Le père Saliwa Hibi de l'église Saint-Joseph dit que sa paroisse tente d'aider les déplacés mais que ceux-ci ne cessent d'affluer en provenance de Bagdad mais également de Mossoul, grande ville sunnite située au sud de la zone autonome kurde.
Il reste environ 800.000 chrétiens en Irak, en majorité chaldéens (catholiques), et beaucoup cherchent à quitter le pays depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.