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Irak: Maliki accusé par ses alliés kurdes de monopoliser le pouvoir


Mardi 20 mars 2012 à 20h51

BAGDAD, 20 mars 2012 (AFP) — Le dirigeant kurde Massoud Barzani a lancé mardi une attaque en règle contre le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki, accusé de monopoliser le pouvoir, laissant craindre une nouvelle crise politique à quelques jours d'un sommet de la Ligue arabe à Bagdad.

Le président du Kurdistan a célébré à sa façon le Nouvel An kurde, qui tombe mercredi, en se lançant dans une violente diatribe contre le Premier ministre chiite, dont sa faction est l'alliée au gouvernement depuis les élections législatives de 2010.

"Il est très regrettable qu'un petit nombre de gens à Bagdad se soit imposé et ait monopolisé le pouvoir", a-t-il tempêté dans un discours à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, selon une traduction de son discours en anglais.

"Le partage du pouvoir et le partenariat entre Kurdes, arabes sunnites et chiites, et autres est à présent totalement inexistant et a perdu tout son sens", a-t-il accusé.

Les députés kurdes occupent près d'un cinquième des sièges du Parlement, et l'alliance kurde, constituée des deux principaux partis de la région, compte cinq portefeuilles au gouvernement.

M. Barzani a aussi accusé M. Maliki de mettre sur pied une force à ses ordres. "On assiste à une tentative de mettre sur pied une armée d'un million d'âmes dévouées à une seule personne", a-t-il souligné.

"Où, dans le monde, une seule et même personne peut-elle être Premier ministre, chef des armées, ministre de la Défense, ministre de l'Intérieur, chef des services secrets et chef du conseil de sécurité nationale ?", a-t-il martelé.

Deux ans après les élections législatives, M. Maliki n'a toujours pas désigné de ministres de la Défense et de l'Intérieur, en dépit de la situation sécuritaire toujours précaire de l'Irak.

Les disputes entre les Kurdes et Bagdad ne sont pas nouvelles. Ces derniers mois, le cas de la major pétrolière américaine ExxonMobil, qui souhaite s'implanter à la fois dans les deux parties du pays, ce que refuse catégoriquement le gouvernement, a suscité une vive polémique.

Erbil et Bagdad s'opposent aussi sur la souveraineté d'une bande longue de 650 km et riche en hydrocarbures, à cheval sur quatre provinces et comprenant la ville multiethnique de Kirkouk. Cet épineux dossier est considéré comme l'une des principales menaces sur la stabilité de l'Irak à terme.

L'Irak est coutumier des crises politiques: la dernière avait éclaté en décembre entre M. Maliki et un autre de ses alliés, le bloc Iraqiya, lorsque l'un de ses dirigeants, le vice-président irakien Tarek al-Hachémi, avait été accusé d'avoir dirigé un groupe de tueurs et avait trouvé refuge au Kurdistan.

Le conflit, qui avait suscité des craintes de guerre confessionnelle, est depuis retombé et Iraqiya en est considéré comme le principal perdant.

Reste que les critiques de M. Barzani, qui dénotent un vif accroissement des tensions entre Bagdad et Erbil et suggèrent une possible rupture, tombent mal pour l'Irak.

Le pays a connu mardi une nouvelle journée sanglante, avec une série d'attentats qui a fait 50 morts. Bagdad s'apprête en outre à accueillir les 27-29 mars un sommet de la Ligue arabe sur lequel il compte énormément pour retrouver un rôle régional après le départ des forces américaines en décembre 2011.

Les critiques à l'encontre de M. Maliki font écho à celles de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW), qui avait dénoncé en janvier l'"autoritarisme" croissant de l'Irak, qualifié d'"Etat policier en devenir".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.