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Irak: les sanctions contre l'Iran dopent la contrebande pétrolière


Dimanche 18 juillet 2010 à 09h07

BASHMAKH (Irak), 18 juil 2010 (AFP) — Sur la route menant à Bashmakh, dans le nord de l'Irak, 150 camions-citernes attendent de passer en contrebande leur cargaison de produits pétroliers en Iran, un spectacle quotidien au coeur d'une violente dispute entre Bagdad et les Kurdes, et qui préoccupe Washington.

Au milieu des champs luxuriants et des collines verdoyantes qui entourent le village frontalier, les sanctions unilatérales imposées à l'Iran par les Etats-Unis sont loin d'inquiéter les chauffeurs de poids-lourds, accusés de transporter de l'essence, du gazole ou du naphte.

Assis à l'ombre de son camion pour éviter un soleil impitoyable, Omar Hassan, un sunnite de la ville septentrionale de Mossoul, dit patienter depuis trois jours.

"Chaque camion transporte 25 tonnes qui sont acheminées vers Bandar Abbas", assure-t-il, en référence à un port du sud de l'Iran où les produits raffinés seront transférés sur des navires pour l'exportation.

Si le gouvernement autonome kurde à Erbil admet du bout des lèvres qu'il y a un problème de contrebande, il affirme que la majorité des exportations sont légales car ces dérivés du pétrole dépassent la demande locale.

L'envoi de ces cargaisons, que l'Iran vendra ensuite sur le marché international, a de fortes répercussions en Irak et à l'étranger.

Ce sont les autorités régionales qui distribuent les laissez-passer aux chauffeurs turcs et kurdes, dans ce qui apparaît comme un défi au gouvernement central.

A Bagdad, le ministère du Pétrole est furieux de voir les Kurdes exporter des produits pétroliers importés par le gouvernement irakien principalement de Turquie et du Koweït pour répondre à la consommation intérieure.

"S'il y a un surplus, c'est pour le moins étrange de l'exporter, car l'Irak importe pour les besoins de ses citoyens", a affirmé mardi le ministre du Pétrole Hussein Chahristani, soulignant en outre que les revenus empochés par les autorités kurdes doivent revenir au gouvernement central.

Cette polémique dépasse les chauffeurs, qui souhaitent seulement la poursuite d'un trafic qui leur assure leurs revenus.

"Nous transportons ce pétrole (en Iran) où il est transvasé dans d'énormes citernes mais nous ne savons pas où il va ensuite", jure Kader Ghafour, un chauffeur de Kirkouk, au nord de Bagdad.

Son collègue Hiwa Raouf craint que "ce trafic vers l'Iran cesse, maintenant que les médias en ont parlé".

"Si la contrebande s'arrête, les revenus de centaines de familles vont se tarir", ajoute-t-il en précisant que les cargaisons vont aussi jusqu'à Bandar Bushehr et Bandar Imam Khomeini, deux autres ports méridionaux iraniens.

Outre les tensions qu'elles suscitent avec Bagdad, ces exportations exaspèrent Washington, principal protecteur des Kurdes depuis la guerre du Golfe en 1991.

Les Etats-Unis, qui ont imposé unilatéralement des sanctions contre l'Iran, ont fait savoir qu'ils pénaliseraient toute compagnie étrangère qui vendrait des produits raffinés à Téhéran.

Un porte-parole de l'ambassade américaine à Bagdad a indiqué à l'AFP que la contrebande était déjà préoccupante avant les nouvelles sanctions, et que son pays enquêtait sur la situation dans le nord de l'Irak.

"Comme les majors ont indiqué ne plus vendre de produits raffinés en Iran, des petits opérateurs ont fait leur apparition pour profiter du vide. Nous en sommes inquiets et nous suivons de près cette affaire", a-t-il dit.

Certains dissidents kurdes estiment, eux, que le trafic accroît la corruption.

Kowestan Mohammed, de la liste Goran (changement), constituée contre les deux grands partis qui dominent la scène politique kurde depuis des décennies, déplore ainsi que "les revenus de la contrebande pétrolière n'entrent pas dans les caisses de la région".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.