Dimanche 28 février 2010 à 09h59
KIRKOUK (Irak), 28 fév 2010 (AFP) — Les Kurdes misent sur un neurologue américain d'origine irakienne pour remporter les législatives du 7 mars à Kirkouk, étape obligée pour réaliser leur rêve d'annexer cette riche province pétrolière multiethnique.
Rentré il y a seulement deux mois de Washington en y laissant sa femme et ses trois enfants, Nejm Eddine Karim, 61 ans, s'est installé dans la résidence que possède le président Jalal Talabani dans la ville et en a fait son quartier général.
Tête de liste de l'Alliance kurde, formée essentiellement des deux partis traditionnels, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK de Massoud Barzani) et l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK de M. Talabani), il fait campagne pour faire rentrer cette province dans le giron du Kurdistan.
"Je propose qu'un Arabe devienne vice-président du Kurdistan et qu'un Turcoman soit nommé vice-Premier ministre dans le cadre d'un rattachement au Kurdistan", lance ce médecin personnel de Jalal Talabani qui, après avoir obtenu son diplôme à l'université de Mossoul, a émigré aux Etats-Unis en 1975.
Selon lui, "les Arabes et Turcomans connaîtront une situation mille fois meilleure qu'aujourd'hui car leur voix se fera entendre dans les instances dirigeantes du Kurdistan".
La décision d'aller chercher un candidat qui a quitté le pays il y a 35 ans laisse perplexe, même parmi les membres de sa communauté. "C'est un fidèle allié de Talabani, il a un carnet d'adresses aux Etats-Unis et il fait l'objet d'un consensus entre les deux grands partis kurdes qui pensent le propulser à d'importants postes politiques" à l'avenir, affirme Khabab Abdallah, un analyste politique au Kurdistan.
Pour Rafaa al-Marsoumi, un autre analyste basé à Kirkouk, ce médecin "est proche des Américains, c'est un homme politique de poids pour l'UPK qui traverse une crise interne mais je pense qu'il n'a pas de base populaire".
Si son discours est favorablement accueilli par les siens, il n'a pas d'écho dans les autres communautés qui se disputent le pouvoir. Le nombre d'habitants est passé de 850.000 à 1,4 million en sept ans avec l'arrivée de 92.000 familles kurdes qui affirment avoir été chassées par la politique d'arabisation menée par Saddam Hussein.
Cette arrivée est ressentie comme une invasion par les Turcomans, qui se considèrent comme ses habitants historiques, les Assyro-chaldéens (chrétiens) ou les Arabes, qui veulent que leur province reste attachée à l'Etat central tout en obtenant un statut d'autonomie.
Alors que 13 sièges sont en lice dans cette province et que les Kurdes espèrent obtenir la majorité, les détracteurs du médecin à Kirkouk estiment qu'il ignore la réalité chaotique du pays.
"Il aurait pu mettre ses compétences médicales au service de ses compatriotes au lieu de débarquer avec un projet de division", ironise Omar Khalaf al-Joubouri, candidat du Bloc irakien (laïc) de l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui.
"Il agit de manière partisane", assure Ammar Kahia de liste des chiites conservateurs (Alliance Nationale irakienne) alors que pour l'Alliance de l'Etat de droit du Premier ministre Nouri al-Maliki, Kirkouk doit rester "une province irakienne".
"Personne ne doit nous imposer son programme. Kirkouk ne doit pas être annexée au Kurdistan et elle restera une province irakienne", assure cheikh Khaïri Nazem al-Assi.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.