Mercredi 5 mars 2025 à 18h56
Bagdad, 5 mars 2025 (AFP) — Les coupes dans l'aide américaine entravent les efforts de Bagdad pour rapatrier de Syrie des milliers de ressortissants irakiens, dont des familles de jihadistes, a souligné mercredi le Conseiller irakien à la sécurité nationale, Qassem al-Aaraji, dans un entretien à l'AFP.
Plus de cinq ans après la mise en déroute du groupe Etat islamique (EI) en Syrie, 56.000 personnes --des milliers de combattants jihadistes présumés, ou des familles liées à l'organisation-- sont détenues dans des prisons ou des camps gérés par des forces kurdes du Nord-Est syrien.
De nombreux pays se montrent réticents sur le rapatriement de leurs ressortissants, mais l'Irak est particulièrement actif sur ce front.
Pour achever ces rapatriements d'ici fin 2025, Bagdad comptait sur des aides de l'ONU et d'organisations internationales afin d'établir sur son territoire un camp d'accueil, explique M. Aaraji.
C'était sans compter les coupes drastiques décidées fin février par l'administration de Donald Trump, concernant les financements de l'aide humanitaire américaine.
"Nous avons été surpris par l'arrêt du soutien apporté par la partie américaine aux organisations", affirme le responsable irakien.
Washington a notamment supprimé 92% des financements de programmes à l'étranger de l'agence américaine de développement, l'USAID.
Pour M. Aaraji, "si le soutien aux organisations internationales n'avait pas cessé, on aurait pu, d'ici fin 2025", garantir le retour de tous les Irakiens d'al-Hol.
"Le seul et principal obstacle est l'arrêt de l'aide aux organisations, et l'Irak ne peut pas résoudre ce problème seul".
- "Danger pour nous" -
Avec plus de 40.000 personnes originaires de 47 pays, Al-Hol est le plus grand des camps administrés par les forces kurdes, fer de lance en Syrie de la lutte antijihadistes, soutenues par une coalition internationale emmenée par Washington.
Selon les autorités irakiennes, plus de 13.000 Irakiens ont été rapatriés depuis 2021, tandis que 16.000 attendent encore leur retour.
Si Bagdad a décidé d'accélérer ces rapatriements c'est aussi "par crainte de voir se détériorer la situation sécuritaire", selon M. Aaraji.
Les incertitudes sont nombreuses dans le Nord-Est syrien: malgré le soutien de Washington, les forces kurdes syriennes sont sous la menace permanente d'une nouvelle offensive turque.
En 2019, durant la première présidence Trump, un retrait inattendu des militaires américains d'une bande frontalière ouvrait la voie à une offensive de la Turquie pour conquérir cette zone.
Aujourd'hui, ces forces kurdes ont aussi entamé des négociations délicates avec les nouvelles autorités à Damas, où d'anciens rebelles ont renversé Bachar al-Assad le 8 décembre.
Dans le Nord-Est de la Syrie, "toute opération déstabilisant la situation sécuritaire serait un danger pour nous et pour le monde", avertit M. Aaraji, alors que plus de 10.000 combattants jihadistes présumés sont emprisonnés.
"Si par exemple il devait y avoir un retrait américain surprise (...) --tout retrait des forces américaines entraînerait d'ailleurs un retrait des Français-- la région se retrouverait dans une situation précaire".
- "Retrait" -
D'autre part et alors que l'Irak se retrouve à la croisée de plusieurs crises régionales, Bagdad se veut optimiste sur un accord de paix mettant fin au conflit opposant l'armée turque au Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK classé "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux.
Début mars le PKK décrétait un cessez-le-feu avec la Turquie, répondant à un appel historique de son fondateur Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 26 ans et qui a ordonné au mouvement de "déposer les armes" et de "se dissoudre".
La trêve, si elle est respectée et débouche sur un accord de paix, mettrait fin à quatre décennies de guérilla ayant fait au moins 40.000 morts.
M. Aaraji a appelé "le gouvernement turc et le PKK à s'entendre, à parvenir à un accord et à répondre à l'appel de M. Öcalan, pour qu'il puisse y avoir sécurité et stabilité".
L'Irak souffre directement des répercussions du conflit entre Ankara et le PKK.
L'armée turque dispose de dizaines de bases au Kurdistan autonome dans le nord irakien et lance régulièrement des opérations terrestres et aériennes contre le PKK, organisation kurde turque qui a installé ses bases-arrières dans cette même région.
"Sur notre territoire nous ne voulons ni de l'armée turque, ni du PKK (...) l'Irak veut le retrait de tous", a affirmé M. Aaraji.
"Les forces turques sont présentes à cause du PKK", souligne-t-il. Ankara, dit-il, a plusieurs fois assuré "n'avoir aucune convoitise territoriale" en Irak.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.