Vendredi 6 mai 2011 à 10h13
KIRKOUK (Irak), 6 mai 2011 (AFP) — Les tensions ethniques entre kurdes et arabes et la persistance des violences à Kirkouk inquiètent les responsables de cette province dont certains souhaitent un maintien des forces américaines après fin 2011, date prévue pour le retrait total américain d'Irak.
Dans cette région riche en pétrole à 240 km au nord de Bagdad, l'insécurité prend la forme d'attentats, d'assassinats ciblés, d'enlèvements, ou même parfois d'accrochages entre militaires irakiens et forces de sécurité kurdes, comme celui qui avait fait deux morts et quatre blessés le 25 avril.
Comme dans la plupart des "territoires disputés" entre Bagdad et la région autonome du Kurdistan (nord), la lutte contre les groupes armés à Kirkouk est compliquée par les revendications du gouvernement central et des autorités kurdes sur cette zone stratégique.
"Al-Qaïda tente de déstabiliser la situation à Kirkouk en visant ses différentes composantes ethniques et en attisant le confessionnalisme", affirme à l'AFP l'adjoint au chef de la police provinciale, le général Tourhan Abdelrahman.
"Malgré leurs divergences, les dirigeants politiques locaux sont d'accord sur la nécessité du maintien de forces américaines à Kirkouk pour aider à régler les problèmes en suspens", assure-t-il.
Sous couvert de l'anonymat, un haut responsable des forces de sécurité locales affirme même que le retrait américain prévu fin 2011, plus de huit ans après l'invasion, constitue une "menace mortelle" pour Kirkouk.
"Les Américains sont une source de confiance", affirme-t-il. "Tout le monde va les voir pour résoudre leurs problèmes liés aux ingérences politiques dans les services de sécurité et aux conflits politiques".
L'armée américaine compte encore 45.000 hommes en Irak, dont environ 300 qui participent toujours à Kirkouk à la Force combinée de sécurité (FCS), un dispositif tripartite mis en place sur les territoires disputés et incluant des troupes kurdes et arabes.
Interrogé par l'AFP, un porte-parole de l'armée américaine a réaffirmé que toute prolongation de la présence américaine en Irak -donc à Kirkouk- impliquerait une requête en ce sens du gouvernement irakien.
Or celui-ci compte plusieurs courants hostiles à cette présence qu'ils présentent comme une forme d'occupation. Et aucun dirigeant irakien ne s'est risqué à demander aux Américains de rester.
La dispute entre Bagdad et le Kurdistan trouve son origine dans l'arabisation au début des années 1990 de ces territoires par le président déchu Saddam Hussein, qui a forcé 120.000 Kurdes à fuir vers le nord, selon l'organisation des droits de l'Homme Human Rights Watch.
Les peshmergas ou combattants kurdes ont profité de l'invasion américaine de 2003 pour progresser vers le Sud et l'Ouest, revendiquant le caractère kurde de Kirkouk, et de zones dans les provinces de Salaheddine, Diyala (centre) et Ninive (nord).
Depuis, les deux camps s'accusent de vouloir modifier la balance démographique pour contrôler les richesses de ces régions.
A Kirkouk, la situation demeure "fragile" selon le chef du conseil provincial, Hassan Toran, un turcoman qui juge les effectifs de sa police "insuffisants".
De source proche des forces de sécurité, on affirme que la police provinciale compte 11.300 policiers, mais en aurait besoin de 3.500 de plus.
Les attentats sont quasi quotidiens dans la province. Jeudi encore, deux gardes du corps ont péri dans l'explosion d'une bombe contre un responsable des forces de sécurité kurdes de Touz Khormatou.
Dans ce contexte, le retrait des Américains constituera pour l'archevêque chaldéen de Kirkouk, Louis Sako, "un grand défi". "Il va laisser un vide qu'il nous faudra combler par la concorde et la réconciliation".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.