Page Précédente

Irak: la Turquie déploie des forces spéciales contre les rebelles kurdes


Mercredi 17 juin 2020 à 16h22

Istanbul, 17 juin 2020 (AFP) — La Turquie a déployé mercredi des forces spéciales dans le nord de l'Irak dans le cadre d'une rare opération terrestre et aérienne contre des rebelles kurdes qui risque de créer des tensions entre Ankara et Bagdad.

"L'opération +Griffes du tigre+ a commencé. Nos héros des forces spéciales sont à Haftanin", dans les régions kurdes du nord de l'Irak, a déclaré le ministère turc de la Défense sur Twitter, sans préciser le nombre de militaires déployés.

Cette opération risque d'irriter Bagdad, qui a convoqué mardi l'ambassadeur turc pour protester contre des frappes menées par l'aviation turque sur des positions du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) sur le sol irakien cette semaine.

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères irakien a dénoncé "une violation de la souveraineté" de l'Irak. Les raids n'ont pas fait de victime, mais ont "terrorisé la population", selon lui.

Avant le déclenchement de la dernière opération, Ankara avait en effet mené des raids aériens dans la nuit de dimanche à lundi à Kandil, Sinjar et Hakurk, des localités du nord de l'Irak.

"Nos commandos, qui sont appuyés des hélicoptères de combat et des drones, ont été transportés par nos forces aériennes", a déclaré mercredi le ministère turc de la Défense.

Le ministère a affirmé que cette opération avait été lancée en "légitime défense", la justifiant par la "recrudescence récente des attaques contre nos commissariats et nos bases militaires" situés près de la frontière irakienne.

Il a ajouté que le déploiement des militaires avait été précédé d'un intense bombardement d'artillerie.

Les Turcs "ont largué des forces spéciales à l'aide d'hélicoptères de combat appuyés par des avions de guerre, puis il y a eu des affrontements avec nos combattants", a déclaré à l'AFP en Irak une source au sein du PKK.

- "Montagnes stratégiques" -

L'ampleur exacte de cette opération n'était pas connue dans l'immédiat, mais elle est plus limitée que les offensives d'envergure lancées ces dernières années par Ankara dans le nord de la Syrie contre d'autres combattants kurdes où des milliers de soldats turcs et leurs supplétifs syriens étaient appuyés par des blindés.

Le gouvernement turc a publié des photos montrant le ministre de la Défense Hulusi Akar dirigeant les opérations depuis le quartier général des forces de l'armée de terre à Ankara.

Le président Recep Tayyip Erdogan, qui n'avait pas encore fait de déclaration au sujet de cette opération mercredi après-midi, a plusieurs fois menacé ces dernières années de "s'occuper" du PKK dans le nord de l'Irak si Bagdad n'était "pas en mesure de le faire".

"Le combat que nous menons contre le terrorisme pour défendre notre nation et nos frontières est le combat le plus légitime du monde", a déclaré mercredi sur Twitter le porte-parole du parti présidentiel AKP, Omer Celik.

La Turquie mène régulièrement des raids aériens contre les bases arrières du PKK dans les zones montagneuses du nord de l'Irak, où il a aménagé des camps d'entraînement et des caches d'armes. Des forces spéciales mènent parfois des incursions d'ampleur limitée.

Pour Reda Manujri, un analyste indépendant basé dans le nord de l'Irak, Ankara essaie de s'implanter dans une "chaîne de montagnes stratégique" à la frontière turco-irakienne avec éventuellement l'intention d'y établir des bases militaires.

Selon lui, le "silence" des autorités kurdes régionales, qui rejettent le PKK, et de Bagdad, qui est généralement prompt à protester contre les atteintes à sa souveraineté, "suggère qu'ils avaient été prévenus (...) par le gouvernement turc".

Le PKK, qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984, est qualifié de groupe "terroriste" par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Le conflit entre l'Etat turc et les combattants kurdes a fait plus de 40.000 morts, dont de nombreux civils, depuis son déclenchement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.