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Irak: la répression au Kurdistan risque de freiner l'investissement


Vendredi 22 avril 2011 à 14h51

BAGDAD, 22 avr 2011 (AFP) — Trois mois d'agitation et la mort de cinq personnes risquent d'entâcher l'image de la région autonome du Kurdistan irakien, présentée aux investisseurs comme un îlot de sécurité dans une mer de violences en Irak, estiment les experts.

Une répression brutale pourrait endommager sérieusement les relations avec Washington, très attentif aux révoltes dans le monde arabe.

Les manifestants, qui se réunissent quotidiennement à Souleimanyeh, la seconde ville du Kurdistan, ont commencé par dénoncer la corruption et le népotisme - aujourd'hui ils veulent la chute du gouvernement régional.

"Au Kurdistan, la politique prend toujours un aspect émotionnel. Toutes les parties ont fait preuve de retenue jusqu'à présent, mais un sérieux incident peut tout faire déborder", note Ali al-Saffar, analyste irakien de l'Economist Intelligence Unit à Londres.

Pour lui, en cas de brutale répression, "les dommages causées à la réputation de la région seraient immenses. Le gouvernement du Kurdistan a dépensé des millions pour faire du lobbying auprès du gouvernement américain et si la contestation est violemment freinée, ces relations feront un bond en arrière".

Les trois provinces kurdes du nord de l'Irak forment une région qui mène sa politique sans en référer à Bagdad, et sont réputées plus sures que le reste du pays où des centaines de personnes sont victimes de la violence des insurgés.

Cet argument a convaincu beaucoup de compagnies étrangères. Ainsi, la seule chaîne hôtelière internationale présente en Irak se trouve à Erbil, la capitale du Kurdistan, et ce sont des investissements internationaux qui financent la construction de centres commerciaux, immeubles et tours qui y poussent.

Mais le sentiment d'une partie de la population que les fruits de la croissance sont mal distribués, le fort taux de chômage, le népotisme et la corruption dans cette région dirigée depuis des décennies par deux partis, ont poussé les gens dans la rue.

Plus de 100 personnes ont été blessées cette semaine lors de la dispersion de manifestations par les forces de sécurité, et les ONG locales font état de l'arrestation de plus de 300 protestataires depuis samedi.

Jeudi, Reporters sans Frontières s'est déclaré "profondément choqué par la vague d'arrestations arbitraires" alors que Human Rights Watch, basé à New York, a appelé les autorités kurdes à "mettre fin à la vaste répression contre les protestations pacifiques".

"Pour comprendre cette colère contre les dirigeants, il suffit de lire les rapports publiés par les organisations internationales à propos des droits de l'Homme, des libertés, de la corruption au Kurdistan", assure le journaliste Asos Hardi.

Souleimaniyeh, capitale intellectuelle du Kurdistan, a été longtemps le fief de l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK) de l'actuel chef de l'Etat irakien Jalal Talabani. Mais depuis 2009, ce parti est affaibli par une scission.

En revanche, Erbil est toujours tenue d'une main de fer par le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) de Masoud Barzani.

Un sondage réalisé en décembre par l'International Republican Institute, basé à Washington, donne une explication à la contestation. Ainsi, 62% des personnes interrogées à Souleimaniyeh affirmaient que les députés ignoraient leurs demandes, et 35% des sondés considéraient que la situation au Kurdistan était "mauvaise" ou "très mauvaise".

"Le PDK et l'UPK doivent absolument changer. En sont ils capables? Cela reste à voir", répond le député kurde indépendant au Parlement de Bagdad, Mahmoud Othmane.

Pour Asos Hardi, il s'agit d'un tournant crucial. "Jusqu'à présent, nous protégions notre existence en tant que culture, nation et peuple. Aujourd'hui, les gens veulent améliorer leur existence".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.