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Irak: la famille d'un journaliste assassiné condamne l'enquête du Kurdistan


Jeudi 16 septembre 2010 à 17h49

ERBIL (Irak), 16 sept 2010 (AFP) — La famille d'un journaliste assassiné au Kurdistan a condamné jeudi les premières conclusions d'une enquête ordonnée par le gouvernement de cette région autonome du nord de l'Irak, qui a affirmé que le reporter avait été tué par un groupe islamiste auquel il était lié.

Plusieurs groupes kurdes et étrangers de défense de la liberté de la presse ont également émis des doutes quant à la crédibilité de la thèse officielle.

Auteur d'articles très critiques contre les dirigeants kurdes et la corruption, Sardasht Osman, 22 ans, avait été retrouvé début mai avec une balle dans la tête, peu après avoir été enlevé dans la capitale kurde, Erbil.

La commission d'enquête demandée par le président du Kurdistan, Massoud Barzani, a affirmé mercredi que M. Osman était "lié" à Ansar al-Islam, et qu'il avait été tué par des membres de ce groupe islamiste "parce qu'il leur avait promis de travailler avec eux avant de se rétracter".

"Non seulement nous rejetons les résultats de l'enquête, mais nous condamnons aussi cette action et nous exprimons notre colère face à ces tentatives qui visent à le faire passer pour un terroriste coopérant avec Ansar al-Islam", a déclaré Baker Osman, le frère de Sardasht Osman, dans un communiqué publié à Erbil au nom de sa famille.

"Quiconque connaît Sardasht, ou lit ses articles, sait qu'il était un laïc, très éloigné de l'idéologie terroriste", a ajouté M. Osman, qui vit en Suède, demandant une enquête indépendante sur cet assassinat.

Dans une lettre adressée à M. Barzani, une centaine d'écrivains et journalistes kurdes ont également mis en cause l'enquête officielle.

"Ses conclusions ne sont pas satisfaisantes car rien dans les antécédents de Sardasht n'indique un lien avec ce groupe terroriste", a déclaré à Souleimaniyeh un des signataires, le journaliste Rhman Ghareeb, coordinateur du Centre Metro de défense de la liberté de la presse.

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), basé à New York, s'est de son côté dit "consterné" par l'enquête officielle.

"Nous espérions davantage qu'un rapport de 430 mots qui lance des affirmations hautement improbables sans les étayer", a déclaré dans un communiqué Mohamed Abdel Dayem, un responsable du CPJ.

Reporters sans frontières (RSF) a appelé dans un communiqué à la "prudence" face à la thèse officielle, "dans la mesure où les conclusions reposent sur les aveux d'un seul homme."

Etudiant à Erbil, Sardasht Osman collaborait avec plusieurs publications.

Dans un de ses articles les plus critiques et intitulé "J'aime la fille de Massoud Barzani", publié dans le Kurdistan Post, il condamnait la corruption des dirigeants kurdes, se mettant en scène sous la forme d'un rêve.

"Quand je deviendrai le gendre de Barzani, la nuit de noce se déroulera à Paris et nous visiterons le palais de notre oncle pour plusieurs jours aux Etats-Unis. Nous quitterons nos rues pauvres d'Erbil pour aller vivre dans les beaux quartiers et je serai protégé la nuit par des chiens policiers américains et des gardes israéliens", avait-il écrit.

Dans un autre article, il faisait état de menaces de mort.

"Au cours des derniers jours on m'a dit que je n'avais plus longtemps à vivre et que les bouffées d'air que je respirais étaient les dernières", écrivait-il. "Je me fiche de la mort et de la torture et j'attendrai ma mort et le dernier rendez-vous avec mes assassins".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.