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Irak: L'amertume des Kurdes contre "l'Amérique"


Dimanche 24 février 2008 à 13h17

SOULEYMANIYAH (Irak), 24 fév 2008 (AFP) — Lors de la première guerre du Golfe en 1991, les Américains ont été accueillis au Kurdistan irakien comme des héros, des libérateurs. Aujourd'hui, la colère monte contre les Etats-Unis, accusés de soutenir l'offensive turque.

Dans les rues de Souleymaniyah, plantée au pied d'une chaîne de montagnes enneigées, l'incursion turque qui a débuté jeudi soir est sur toutes les lèvres et sur tous les écrans de télévision dans les cafés de la ville.

"Les Kurdes changent peu à peu d'avis sur l'Amérique", lance Taha, un jeune Kurde assis dans l'un d'entre eux. "Avant, ils pensaient que les Etats-Unis étaient un partenaire stratégique. Mais après leur collaboration avec la Turquie pour bombarder le Kurdistan, ce n'est plus le cas".

Hannah Raouf, 32 ans, une employée de banque, est très amère. Après la première guerre du Golfe, en 1991, "nous avons accueilli les Américains avec des fleurs mais aujoud'hui, c'est de la colère que nous ressentons", dit-elle.

En 1991, le Kurdistan a échappé au contrôle de Bagdad, alors dirigé d'une main de fer par Saddam Hussein, avec l'imposition d'une zone d'exclusion aérienne par les Alliés, Etats-Unis en tête.

Cette situation a permis à la région de connaître un développement économique sans précédent et d'être épargnée par les violences qui ensanglantent l'Irak depuis l'invasion américaine en mars 2003.

"L'Amérique aide ouvertement la Turquie dans son combat contre le PKK (les rebelles séparatistes du Parti des Travailleurs du Kurdistan). Elle fait pression sur (Massoud) Barzani (le président du Kurdistan) et Jalal Talabani (le président irakien) pour qu'ils prennent part à la guerre contre le PKK", ajoute Hannah Raouf.

Pour Amira Karim, une fonctionnaire de 37 ans, tout est "de la faute des Etats-Unis". "Ils sont responsables de la sécurité du Kurdistan et de l'Irak en général, non?", dit-elle.

L'administration Bush a dit avoir été informée par avance de l'incursion de l'armée turque destinée à combattre les rebelles du PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, par les Etats-Unis et l'Union européenne.

Mais elle a aussi laissé entendre qu'Américains et Turcs avaient à nouveau partagé des renseignements sur cette opération.

Cette position a provoqué la colère du PKK et de sévères critiques du gouvernement autonome du Kurdistan.

"Les Etats-Unis ne font pas que soutenir activement (la Turquie), ils prennent aussi part aux opérations", a déclaré le chef de l'aile militaire du PKK Bahoz Erdal, cité par l'agence de presse Firat News, considérée comme le porte-voix du PKK.

"Nous faisons porter au gouvernement américain la responsabilité des opérations militaires (turques) car sans son accord la Turquie ne se serait pas permis de violer la souveraineté terrestre et aérienne de l'Irak", a affirmé samedi un porte-parole du gouvernement basé à Erbil, Falah Moustapha.

Yassine Karim, 35 ans, un enseignant dans une école de Souleymaniyah, estime que l'opération de la Turquie est motivée non seulement par sa volonté d'en finir avec le PKK mais aussi par le refus de voir se développer un Kurdistan "libre et prospère".

"Ils veulent faire échouer l'expérience démocratique mise en place au Kurdistan", assure-t-il.

"Les Turcs testent la réaction des Kurdes", reprend Najia Mohammed, une étudiante de 24 ans. "S'il n'y pas un grand soulèvement, ils occuperont au printemps de grandes zones de la région".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.