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Irak: Bagdad et les Kurdes se donnent 24 heures de plus pour éviter l'affrontement


Dimanche 15 octobre 2017 à 12h18

Souleimaniyeh (Irak), 15 oct 2017 (AFP) — Bagdad et le Kurdistan irakien se sont accordé dimanche une journée de plus pour éviter par le dialogue tout affrontement armé, alors que leurs troupes, massées dans la riche province pétrolière de Kirkouk, se font face.

En fin de matinée, le président irakien Fouad Massoum, lui-même kurde, a débuté une rencontre avec Massoud Barzani, le président du Kurdistan autonome.

De hauts responsables de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), le parti de M. Massoum, grand rival du Parti démocratique kurde (PDK) de M. Barzani, participaient également à cette réunion à Doukan, dans la province de Souleimaniyeh, fief de l'UPK.

M. Massoum va soumettre aux responsables kurdes "un projet", a indiqué à l'AFP l'un de ses conseillers qui l'accompagnait, Abdallah Aliwaï. Il a refusé de divulguer la teneur du projet mais a expliqué qu'il se basait "sur le dialogue et la négociation pour éviter le conflit et la violence".

Les peshmergas --les combattants kurdes-- se divisent entre les deux partis. Les forces kurdes présentes dans la province de Kirkouk, que les forces irakiennes cherchent à déloger, dépendent de l'UPK.

Alors que les politiques tentent de reprendre langue, des milliers de combattants se font face dans cette province située au nord de Bagdad, trois semaines après la tenue d'un référendum au Kurdistan qui a exacerbé les tensions.

Tôt dimanche, un photographe de l'AFP a vu les troupes irakiennes toujours massées face aux peshmergas, qui tenaient leurs positions, sans qu'aucun mouvement ne soit visible.

Les forces, qui disent "attendre les ordres" de leurs commandements, ont obtenu un nouveau délai de 24 heures, selon le responsable kurde.

Saad al-Hadithi, porte-parole du Premier ministre irakien Haider al-Abadi, a refusé tout commentaire au sujet de ce délai.

Il a toutefois affirmé à l'AFP que "les forces gouvernementales irakiennes ne veulent pas et ne peuvent pas porter atteinte aux citoyens, qu'ils soient kurdes ou autres, mais elles doivent faire appliquer la Constitution".

La loi, a-t-il poursuivi, prévoit que "le gouvernement central exerce sa souveraineté sur les zones que la Constitution définit comme disputées (dont la province de Kirkouk fait partie, NDLR), de même qu'en matière de commerce extérieur, notamment de production et d'export de pétrole".

L'Irak exige de reprendre le contrôle des positions tenues par les peshmergas depuis la débâcle de l'armée et de la police irakiennes face à la percée fulgurante du groupe Etat islamique (EI) en juin 2014.

Outre des bases militaires, les combattants du Kurdistan --région qui bénéficie depuis 1991 d'une autonomie étoffée au fil des ans-- se sont également emparés d'infrastructures et de champs pétroliers de cette province disputée de Kirkouk.

Les forces irakiennes, gouvernementales et paramilitaires, avaient laissé aux peshmergas jusqu'au milieu de la nuit de samedi à dimanche pour s'en retirer, avaient affirmé les responsables kurdes.

- Civils en armes -

Une fois ce délai expiré, combattants, habitants et politiques disaient redouter le pire.

Dans la nuit, des civils kurdes circulaient en armes dans la ville de Kirkouk, tandis que leur gouverneur, Najm Eddine Karim, limogé par Bagdad mais qui reste à son poste, prévenait: "les habitants aideront les peshmergas (...) nous ne laisserons aucune force pénétrer dans notre ville".

Jusqu'à présent, les forces irakiennes n'ont pas entamé de combat, se contentant de progresser et de reprendre certaines bases désertées peu avant par les peshmergas.

Leur objectif n'est pas la ville de Kirkouk, indiquent même les autorités à Erbil. Elles veulent reprendre "les champs pétroliers, une base militaire et un aéroport" mitoyen.

En outre, Bagdad, dont le budget est grévé par la chute des cours du pétrole et trois années de mobilisation et de combats contre l'EI, entend reprendre la main sur les 250.000 b/j de pétrole des trois champs de la province de Kirkouk: Khormala, pris par les Kurdes en 2008, et Havana et Bay Hassan, pris en 2014.

Le Kurdistan, qui traverse la plus grave crise économique de son histoire, pourrait lourdement pâtir de la perte de ces champs qui assurent 40% de ses exportations pétrolières.

Bagdad, en crise ouverte avec Erbil depuis la tenue le 25 septembre du référendum d'indépendance y compris dans des zones disputées comme Kirkouk, a récemment multiplié les mesures économiques et judiciaires pour faire plier le Kurdistan.

Autre mesure de rétorsion, l'Iran, hostile au référendum, a fermé dimanche trois postes-frontières permettant le passage de biens et de personnes du Kurdistan irakien à son territoire, a indiqué à l'AFP un responsable kurde.

Washington, allié à la fois des Kurdes et des forces irakiennes dans la lutte contre l'EI, a affirmé vouloir "calmer les choses".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.