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Grippe aviaire: une mairesse kurde dénonce les "préjugés" de l'Etat turc


Mercredi 11 janvier 2006 à 17h47

DOGUBEYAZIT (Turquie), 11 jan 2006 (AFP) — La mairesse kurde de Dogubeyazit, petite ville de l'est de la Turquie où la grippe aviaire a fait ses premiers morts, a critiqué mercredi la gestion de la crise par le gouvernement, dénonçant des "préjugés" à l'encontre de la population kurde locale.

"Les précautions, les mesures appropriées ne sont pas prises ici face à la grippe aviaire", a affirmé à l'AFP Mukaddes Kubilay, élue en 1999 sous les couleurs du parti pro-kurde Dehap et ralliée depuis l'an dernier, comme la plupart des cadres du Dehap, au Parti de la société démocratique (DTP).

"A Kiziksa, les autorités ont réagi tout de suite, à Aralik aussi, pourquoi pas à Dogubeyazit?", s'est-elle interrogée. "Il y a une non acceptation, des préjugés contre les habitants de notre région".

L'édile faisait référence au village de l'ouest de la Turquie où ont été détectés en octobre sur des dindes les premiers cas de H5N1, et à une bourgade située à environ 150 kilomètres au nord de Dogubeyazit, où des mesures de quarantaine et d'abattage des volailles ont été prises dès la fin décembre.

Les autorités ont annoncé en décembre avoir éradiqué la maladie à Kiziksa.

"Nous sommes à l'épicentre d'une crise mondiale, c'est ici que le gouvernement doit concentrer ses moyens" a poursuivi Mme Kubilay.

Selon des sources vétérinaires interrogées par l'AFP, la sous-préfecture de Dogubeyazit, qui compte un peu plus de 100.000 habitants, dispose actuellement de 12 équipes de trois personnes pour collecter et abattre les volailles, secondées par l'armée pour le transport des volatiles.

La mairesse a admis que le ministère de la Santé avait dépêché sur place quatre médecins et des boites de Tamiflu, l'un des rares médicaments efficaces contre la grippe aviaire.

Pour elle, l'administration centrale n'en fait pas moins payer aux habitants de Dogubeyazit le prix de leur soutien au Dehap-DTP, soupçonné par Ankara de soutenir les rebelles séparatistes kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

"Les gens dans l'administration du parti au pouvoir disent: 'vous ne nous avez pas donné vos voix, vous les avez données au Dehap, adressez vous à votre maire Dehap'", a indiqué Mme Kubilay, précisant que "ce sont les fonctionnaires locaux, les policiers qui disent cela".

L'élue a souligné que cette attitude était dans le droit fil des "préjugés" et des "discriminations" auxquelles elle devait faire face depuis son élection en raison de son appartenance politique, évoquant des "projets non soutenus", des poursuites lancées contre elles et jusqu'à des menaces anonymes de mort.

"Je suis actuellement poursuivie pour avoir mis une ambulance de la mairie à la disposition de la famille d'un jeune rebelle mort, pour ses obsèques", a-t-elle notamment affirmé, tout en assurant vouloir "la fin de la guerre" dans le sud-est anatolien à majorité kurde.

Les affrontements entre les rebelles kurdes, peu actifs dans le secteur de Dogubeyazit, et les forces gouvernementales ont fait quelque 37.000 morts depuis le lancement de l'insurrection en 1984 par le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara, l'Union européenne et les Etats-Unis.

Mme Kubilay, une des 18 femmes maires de Turquie -sur près de 3.000 communes-, a toutefois insisté sur la nécessité de "ne pas utiliser cette crise contre l'entrée de la Turquie dans l'UE".

Ankara a entamé le 4 octobre des négociations d'adhésion avec le bloc européen. Celui-ci a régulièrement recommandé à la Turquie d'améliorer sa prise en compte des droits culturels de la minorité kurde.

"Nous avons besoin de l'UE", a-t-elle estimé.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.