Vendredi 24 juillet 2020 à 06h22
Wellington, 24 juil 2020 (AFP) — Le journaliste kurde iranien Behrouz Boochani a finalement obtenu l'asile politique en Nouvelle-Zélande, après six années dans un camp de réfugiés australien controversé en Papouasie-Nouvelle-Guinée, une expérience qu'il avait relatée dans un livre poignant.
M. Boochani, qui avait fui l'Iran en 2013, se trouve depuis novembre en Nouvelle-Zélande, où il s'était rendu pour un festival littéraire au cours duquel il avait témoigné sur l'enfer de la vie dans le camp australien controversé de Manus, dans le nord-est de l'archipel papouasien.
Canberra a relégué pendant des années les clandestins tentant de gagner ses côtes vers des camps offshore sur cette île, ou dans le petit Etat plus à l'Est de Nauru, en application d'une politique d'immigration condamnée par les organisations de défense des droits de l'Homme.
Le ministère néo-zélandais de l'Immigration a annoncé vendredi que la demande d'asile de M. Boochani avait été acceptée.
"M. Boochani a été reconnu comme réfugié aux termes de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et du protocole de 1967", a-t-il dit dans un bref communiqué.
- Poursuivre le combat -
Des médias rapportent que M. Boochani a été informé de cette décision jeudi, jour de son 37ème anniversaire.
Faisant part de son soulagement, il s'est engagé à continuer de se battre, dans sa nouvelle patrie, pour les réfugiés, en projetant en outre de demander un titre de résident permanent.
"J'ai désormais des certitudes quant à mon avenir, ce qui est bien, mais je n'en profiterai pas, ni ne pourrai m'en réjouir, tant que le gouvernement australien continuera de détenir illégalement des gens à Port Moresby, Nauru et en Australie", a-t-il dit dans un communiqué.
M. Boochani travaille aujourd'hui comme chercheur à l'Université de Canterbury, établie à Christchurch, la grande ville de l'île du Sud.
Il est l'auteur du livre "No Friend But the Mountains: Writing from Manus Prison" ("Témoignage d'une Ile-Prison. De l'exil aux prix littéraires").
Ce témoignage laborieusement rédigé sur un téléphone portable et envoyé par bribes via WhatsApp à un traducteur, a notamment obtenu l'an passé le prix Victoria pour la littérature, récompense littéraire la plus richement dotée d'Australie.
- "Ils méritent la protection" -
Il raconte sa fuite d'Iran à cause des poursuites dont était l'objet le magazine kurde pour lequel il travaillait, son périlleux voyage d'Indonésie vers l'Australie, son sauvetage dans un bateau en train de couler dans les eaux australiennes, son arrestation et surtout, son expérience des camps depuis à partir de 2013: la vie, la mort, les suicides, les actes d'automutilation et les souffrances psychologiques des réfugiés dans la moiteur papouasienne.
La porte-parole pour les droits de l'Homme des Verts néo-zélandais, Golriz Ghahraman, soutien de longue date de M. Boochani, s'est réjoui d'une décision qui montre que son pays est un endroit "où la justice et la compassion l'emportent".
"Les gens qui fuient la torture et la persécution religieuse, raciale ou politique méritent de pouvoir vivre quelque part. Ils méritent la protection", a-t-elle dit.
Canberra a refoulé en mer à partir de 2013 tous les bateaux de clandestins, arguant qu'elle sauvait des vies en dissuadant les migrants d'entreprendre un périlleux voyage maritime vers ses côtes. Les arrivées de bateaux, jadis quasiment quotidiennes, sont aujourd'hui rarissimes.
Les clandestins qui passaient au travers des mailles du filet étaient envoyés dans des camps, à Nauru ou Manus. Ils étaient interdits d'installation permanente en Australie, même s'ils remplissaient les critères de l'asile.
Les associations de défense des droits de l'homme ont longtemps dénoncé les conditions de vie dans les camps, et l'impact psychologique de cette détention à durée indéterminée, notamment pour les enfants, accusant le gouvernement de ne pas offrir de solution.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.