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Gouverner sans majorité absolue, comment font nos voisins ?


Mercredi 22 juin 2022 à 16h07

Paris, 22 juin 2022 (AFP) — Nombre des voisins de la France, où le système parlementaire est prédominant, sont habitués à avoir à leur tête des dirigeants ne disposant que d'une majorité relative.

Culture du compromis, coalitions, accords au cas par cas... Voici quatre exemples de la façon dont ces régimes fonctionnent - plus ou moins bien.

- Allemagne -

Les coalitions sont la marque de fabrique du système politique allemand de l'après-guerre, au point qu'il n'y a eu que 14 mois de gouvernement ne reposant que sur une seule force politique (la CDU d'Adenauer en 1960-61).

Le gouvernement actuel d'Olaf Scholz est ainsi un attelage des partis social-démocrate, libéral et écologiste.

"On ne peut pas comprendre l'Allemagne sans le choc du IIIe Reich et l'écroulement du système parlementaire en 1933. Toutes les institutions ouest-allemandes depuis 1949-1950 ont été construites dans l'optique d'un Parlement fort, qui puisse tenir tête à d'éventuels nouveaux extrémismes", dit à l'AFP l'historien Rainer Hudemann.

L'extrême droite de l'AfD, entrée au Bundstag en 2017, est maintenue à distance de toute coalition.

La construction des alliances suit un rituel très codifié d'une durée d'un à trois mois, avec l'élaboration d'un "contrat de coalition" négocié thème par thème pour fixer dans le détail la feuille de route du gouvernement. Ce contrat assure une stabilité globale du gouvernement, même si en cas de crise fusent des critiques de lenteur ou d'immobilisme.

- Italie -

L'instabilité politique est notoire en Italie - presque 70 gouvernements y ont été formés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale -, marquée par des coalitions mouvantes et de courte durée.

La désignation du Premier ministre relève souvent du casse-tête, débouchant parfois sur l'appel à la rescousse d'une personnalité sur laquelle se fonde un compromis, à l'instar de Mario Draghi, actuellement à la tête d'une coalition regroupant les principaux partis, à l'exception des Frères d'Italie (extrême droite).

La coalition disparate dirigée par M. Draghi a tenu pendant la crise du Covid, mais à l'approche des élections de 2023, les tensions s'exacerbent, cristallisées sur la guerre en Ukraine et l'inflation.

- Suède -

Depuis la fin 2021, le gouvernement social-démocrate de la Première ministre Magdalena Andersson est minoritaire au Parlement, avec seulement 100 des 349 sièges. Une situation fréquente en Suède depuis les années 1920.

La culture du compromis est solidement ancrée dans le pays et permet de légiférer dans une relative stabilité, les sociaux-démocrates s'appuyant fréquemment sur le soutien du Parti de gauche ou des Verts, et plus occasionnellement sur le Parti du Centre. Il s'agit généralement d'un soutien au cas par cas, avec parfois des accords plus larges sur des thèmes spécifiques, le temps d'une législature.

La montée ces dix dernières années des Démocrates de Suède (SD), parti classé à l'extrême droite, a toutefois un peu troublé le jeu politique et rendu les gouvernements minoritaires plus instables. Depuis 2018, la présence de deux blocs marqués à gauche et à droite a rendu plus difficile l'élection des gouvernements.

Mme Andersson, qui bataille pour faire adopter son budget de printemps, a évité une motion de censure grâce à la voix décisive d'une députée pro-kurde. Mais cette dernière, opposée aux concessions à la Turquie pour débloquer l'entrée de la Suède dans l'Otan, lui pose sur ce dossier un casse-tête.

- Espagne -

Pendant longtemps, le Parti Populaire (PP, droite) et le Parti socialiste (PSOE, gauche), disposaient alternativement de la majorité absolue. Ce bipartisme a volé en éclats fin 2015 avec l'entrée en force au Parlement des libéraux de Ciudadanos et du parti de la gauche radicale Podemos.

L'Espagne a alors vécu quatre élections générales en quatre ans jusqu'à fin 2019. Le PSOE a fini par s'entendre avec Podemos pour former le premier gouvernement de coalition du pays depuis le rétablissement de la démocratie après la mort du dictateur Franco en 1975, dirigé par le socialiste Pedro Sanchez.

Cela n'exclut pas des tensions récurrentes, par exemple sur la récente réforme du marché du travail, et chaque texte doit être négocié avec les autres partis.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.