Mardi 6 mai 2025 à 16h42
Paris, 6 mai 2025 (AFP) — Sur quels fondements poursuivre une personne pour génocide ? La Cour de cassation se penche mercredi sur l'affaire d'une revenante de Syrie, ex-épouse d'un émir du groupe Etat islamique (EI), qui doit être prochainement jugée à Paris.
Sonia Mejri, 35 ans, devait être la première revenante française de Syrie à comparaître à Paris pour génocide sur les Yazidis, minorité ethnoreligieuse kurdophone.
Il lui était notamment reproché "des atteintes graves à l'intégrité physique et psychique" d'une adolescente yazidie, soumise à son domicile "à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction" de sa communauté.
Mais la cour d'appel de Paris a décidé en janvier d'abandonner ces poursuites pour génocide, et a ordonné son procès pour des infractions terroristes ainsi que pour complicité de crimes contre l'humanité.
Le parquet général a formé un pourvoi.
L'interprétation de la loi est au coeur de la réflexion.
Le code pénal définit le génocide comme "un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe", de "commettre ou de faire commettre" des atteintes graves "à l'encontre de membres de ce groupe".
En janvier, la cour d'appel a estimé qu'il fallait plusieurs victimes pour poursuivre un suspect pour génocide, d'après sa décision consultée par l'AFP.
Ce n'est pas la lecture de l'avocat général près la Cour de cassation, qui donnera son avis mercredi à l'audience, a-t-on appris de source proche du dossier.
Il considère ainsi qu'une seule victime identifiée, dans un contexte d'attaques systématisées contre un groupe, peut aboutir à des poursuites.
Deuxième point de discussion: Sonia Mejri est-elle complice des viols imputés à son mari sur la Yazidie, ou bien aussi autrice ?
Les violences sexuelles ont été utilisées par les jihadistes de l'EI comme des armes pour briser la résistance des Yazidis et instaurer un climat de peur généralisé. En atteste notamment l'instauration de marchés aux esclaves sexuelles.
Pour la cour d'appel, si Sonia Mejri n'a pas acheté ni violé l'adolescente, elle s'est rendue complice des viols imputés à son ex-mari en la "préparant pour faciliter les rapports sexuels".
Au contraire, l'avocat général près la Cour de cassation compte soutenir mercredi son rôle de coautrice, selon la source proche.
Il estime que "l'accompagnement et la préparation" de la Yazidie par Sonia Mejri constituent des éléments matériels montrant sa participation.
Sonia Mejri, elle, a contesté toute infraction liée à la Yazidie: son ex-mari en était le "propriétaire", elle, "n'avait aucun droit" sur la jeune.
Abdelnasser Benyoucef, lui, sera jugé par défaut comme auteur de génocide et de crimes contre l'humanité, et pour des infractions terroristes. Présumé mort en 2016, il est visé par un mandat d'arrêt.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.