Jeudi 10 janvier 2013 à 14h48
ANKARA, 10 jan 2013 (AFP) — Sakine Cansiz, retrouvée morte avec deux autres activistes kurdes dans la nuit de mercredi à jeudi à Paris, est un membre fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène la lutte armée en Turquie, et considérée comme une proche du chef emprisonné de la rébellion, Abdullah Öcalan.
Cette femme de 55 ans aux cheveux teints au henné, une tradition anatolienne, figurait parmi le petit groupe de jeunes militants de gauche qui a créé le PKK en 1978 à Lice, dans le sud-est turc peuplé majoritairement de Kurdes.
Six ans plus tard, ce mouvement prenait les armes contre les forces d'Ankara. Depuis 1984, ce conflit a fait plus de 45.000 morts, pour la plupart dans le camp rebelle.
Née en 1957 à Tunceli (Dersim pour les Kurdes), Sakine Cansiz a été, dès sa jeunesse, particulièrement active dans les réseaux d'extrême-gauche pro-kurdes. Après la fondation du PKK, elle est arrêtée et emprisonnée à Diyarbakir, principale ville du sud-est anatolien à majorité kurde, où la torture est alors systématique pour les détenus politiques. Selon des sources kurdes, la jeune femme en a été victime.
Elle n'a retrouvé la liberté qu'en 1991, après plusieurs procès intentés à son encontre. A sa sortie du pénitencier, elle adopte le nom de code "Sara" et retrouve ses compagnons kurdes. Sakine Cansiz recommence à militer clandestinement et à combattre activement dans les rangs du PKK dans le sud-est de la Turquie.
Elle fait aussi un passage au camp d'entraînement dont disposait le PKK à l'époque dans la plaine libanaise de la Bekaa.
En 1992 ou 93, selon les sources, Sakine Cansiz part en Allemagne, où vit une forte communauté de travailleurs turcs, afin d'y organiser les activités du PKK sur les instructions d'Abdullah Öcalan, alors en exil en Syrie.
- Un cadre important -
Au fil des ans, la militante devient un cadre important du mouvement en Europe, à la faveur de sa proximité avec le principal commandant militaire du PKK, Murat Karayilan, retranché avec quelque 2.000 rebelles dans les montagnes du nord de l'Irak.
M. Karayilan est devenu la figure de proue du PKK depuis la capture, en 1999, et l'emprisonnement à vie en Turquie d'Abdullah Öcalan.
Visée par un mandat d'arrêt international émis par Ankara, Sakine Cansiz est arrêtée le 19 mars 2007 par la police allemande à Hambourg, puis relâchée le 25 avril suivant. Elle vivait depuis plusieurs années en France.
Sa mort intervient alors que la Turquie a repris depuis la fin 2012 le dialogue avec le PKK, par le biais de négociations directes avec Abdullah Öcalan, dans le but de désarmer le PKK.
Les deux autres militantes kurdes retrouvées mortes avec elle était moins connues. L'une d'elles, Fidan Dogan, 32 ans, était la représentante en France du Centre d'information du Kurdistan, une vitrine du PKK, et membre du Conseil national kurde (KNK), une autre organisation de la nébuleuse kurde.
Selon Dorothée Schmid, la directrice du programme Turquie à l'Ifri (Institut français des relations internationales), Sakine Cansiz et Fidan Dogan se trouvaient toutes les deux sous surveillance policière. La première était "très proche d'Ocalan, "un relais de sa parole", alors que la seconde était une "vraie officielle de la diaspora kurde en Europe", a expliqué Mme Schmid.
Interrogées par l'AFP, les autorités turques n'ont pas été en mesure vendredi de dire si ces trois femmes disposaient de la nationalité turque.
Après le coup d'Etat militaire de 1980, la justice d'Ankara a déchu de leur nationalité de nombreux militants kurdes ou d'extrême-gauche qui se sont exilés à l'étranger.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.