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France : des familles de femmes et enfants de jihadistes retenus en Syrie poursuivent un ministre


Lundi 16 septembre 2019 à 13h58

Paris, 16 sept 2019 (AFP) — Des familles de femmes et d'enfants de jihadistes français retenus dans des camps kurdes en Syrie ont porté plainte contre le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian pour "omission de porter secours", mettant en cause l'inaction de Paris dans ce dossier sensible.

Ces plaintes, dont l'AFP a eu connaissance, ont été déposées en juillet et septembre en France auprès de la Cour de justice de la République (CJR) - seule instance habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions - par les avocats Marie Dosé, Henri Leclerc et Gérard Tcholakian.

Les plaignants, une dizaine de familles au total, reprochent au chef de la diplomatie française de refuser, de manière "pesée, volontaire et intentionnelle", de rapatrier ces femmes et enfants de jihadistes français retenus dans des camps kurdes en Syrie alors qu'ils sont "en situation de péril".

"Depuis des mois, les Kurdes n'ont de cesse d'exhorter les Etats à prendre leurs responsabilités et à rapatrier leurs ressortissants", observent les familles dans ces plaintes. Or, jusqu'ici, le gouvernement français n'a accepté de rapatrier des enfants de ces camps qu'au "cas par cas", insistent-elles.

Après des mois de tergiversations dans un contexte d'hostilité d'une opinion française marquée par la vague d'attentats jihadistes depuis 2015, Paris a procédé à plusieurs rapatriements depuis mars, notamment en juin celui de 12 enfants, dont la majorité étaient des orphelins.

Températures extrêmes aussi bien en été qu'en hiver, manque d'eau et de vivres, épidémies de tuberculose ou encore de choléra, absence de soins... Les plaignants décrivent des conditions qui ne cessent d'empirer dans ces camps, où règne par ailleurs un "climat d'insécurité" croissant.

Plus de 70.000 personnes - des Syriens et des Irakiens, mais aussi des Françaises, des Belges ou des Allemandes - sont en particulier entassées dans le camp d'Al-Hol. Elles y ont été transférées après leur évacuation des territoires contrôlés par le groupe Etat islamique (EI) au fur et à mesure de l'avancée de la coalition arabo-kurde, conclue par la chute en mars de Baghouz.

Au total, quelque 12.000 étrangers - 4.000 femmes et 8.000 enfants - se trouvent dans les camps du nord-est, selon les autorités kurdes.

"C'est un choix politique de ne pas sauver ces enfants et ces mères détenus arbitrairement", insiste auprès de l'AFP Me Dosé, affirmant qu'un enfant français de 12 ans était mort la semaine dernière dans le camp d'Al-Hol.

- Multiples procédures -

Sollicité par l'AFP, le Quai d'Orsay n'avait pas réagi lundi en fin de matinée. La commission des requêtes de la Cour de justice doit désormais se prononcer sur leur recevabilité.

Depuis un an, des recours ont été lancés tous azimuts pour tenter de faire rapatrier ces personnes. Au début de l'année, les autorités françaises avaient préparé un plan de rapatriement global des jihadistes et de leurs familles, qui n'a toutefois jamais été mis en oeuvre, selon des documents révélés par le journal Libération et consultés par l'AFP.

Début juillet, les trois avocats avaient déjà déposé auprès du tribunal de Paris une dizaine de plaintes avec constitution de parties civiles pour "détention arbitraire" et "séquestration", après le classement de plaintes initiales par le parquet de Paris en 2018.

Auparavant, la justice administrative et sa plus haute juridiction en France, le Conseil d'Etat, avaient rejeté plusieurs requêtes, se déclarant incompétents. Les grands-parents de deux enfants se sont par ailleurs tournés en mai vers la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

En début d'année, plusieurs avocats, dont Me Dosé et Me Leclerc, ont aussi attaqué l'Etat français devant le Comité des droits de l'enfant, organisme de l'ONU.

Dans un courrier daté de mi-juin, le Premier ministre français Edouard Philippe a de son côté rejeté les critiques contre le gouvernement, assurant que la France respectait ses engagements internationaux.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.