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Financement du terrorisme: prison avec sursis requise contre un ex-avocat et deux journalistes


Mardi 23 janvier 2024 à 18h53

Paris, 23 jan 2024 (AFP) — Des peines de prison avec sursis, de dix mois à cinq ans, ont été requises mardi contre un ex-avocat de jihadistes et deux journalistes jugés à Paris pour avoir notamment transféré des fonds à des membres du groupe Etat islamique (EI), selon eux pour les aider à quitter le "califat" et se rendre.

La peine la plus lourde, soit cinq ans avec sursis, a été requise contre l'ancien avocat Bruno V., 50 ans, passé "d'auxiliaire de justice à auxiliaire de jihadistes", selon les mots du représentant du parquet, Benjamin Chambre, devant le tribunal correctionnel.

Aucun des prévenus ne peut se voir reprocher d'adhérer à l'idéologie de l'EI, a reconnu le magistrat. Pour autant, "c'est une tache indélébile" que Bruno V. "laisse sur la robe noire qu'il a été contraint de décrocher", a-t-il fustigé.

"Avocat engagé, puis enragé", Bruno V. a "perdu pied", a-t-il tancé: le prévenu, a résumé le procureur, a participé à la corruption d'un officier de l'armée irakienne pour tenter - en vain - d'épargner la vie du jihadiste Maximilien Thibaut lors de la bataille de Mossoul en 2017. En outre, selon l'accusation, il s'est investi pour organiser l'évasion de deux femmes jihadistes d'un camp géré par les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes.

Le parquet a par ailleurs requis 10 et 12 mois de prison avec sursis contre les journalistes Edith B., 43 ans, et Céline M., 44 ans.

Autrices d'un livre-enquête sur les femmes françaises ayant rejoint l'EI, elles sont jugées pour avoir transféré des fonds afin de payer des passeurs pour "exfiltrer" plusieurs femmes de Syrie ou d'Irak - et pour avoir pris part à l'opération ratée de sauvetage de Maximilien Thibaut.

Les deux journalistes ont été "entraînées dans un tourbillon qui leur a fait perdre repères, distance, et une certaine raison", a martelé M. Chambre.

Devant le tribunal, Edith B. et Céline M. avaient admis être "sorties du cadre" de leur métier, mais avaient maintenu avoir agi par "humanité", pour "sauver des vies".

Ce positionnement suscite le "malaise", a estimé le procureur: "d'omniscientes" sur le jihadisme des années 2010, les deux journalistes "se sont pensées omnipotentes, aptes à décider qui était dangereux, et qui pouvait être sauvé ou pas", a-t-il critiqué.

Il a par ailleurs requis des peines de prison avec sursis, de six mois à trois ans, contre les trois autres prévenus, deux mères et le beau-père de jeunes Français convertis et radicalisés, partis rejoindre l'EI en Syrie. La justice leur reproche d'avoir envoyé plusieurs milliers d'euros à leurs enfants - pour subvenir à leurs besoins, selon eux.

Les deux mères étaient également jugées pour avoir détourné les fonds d'associations de parents en détresse, qu'elles avaient fondées, et que les pouvoirs publics ont largement subventionnées. "L'argent public, censé financer la prévention du terrorisme, finissait dans les caisses de l'EI, cruelle ironie !", a lancé le représentant du parquet.

Ces familles, a-t-il concédé, ont énormément souffert, mais cela n'excuse pas leurs "agissements inacceptables et condamnables", selon lui.

"J'espérais un peu plus d'humanité", a plaidé l'avocate de l'une des familles, Gaëlle Dumont, plaidant que ses clients ont agi sous la "contrainte" car ils ne pouvaient faire autrement que d'aider leurs enfants.

Le procès doit s'achever mercredi.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.