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Fillette kurde tuée en 2018: un policier belge fixé sur son sort jeudi


Jeudi 4 novembre 2021 à 04h02

Bruxelles, 4 nov 2021 (AFP) — La justice belge se prononce jeudi sur le sort d'un policier accusé d'un tir mortel sur une fillette kurde de deux ans, lors d'une course-poursuite avec une camionnette de migrants en 2018, un drame qui a suscité des critiques contre la politique migratoire de la Belgique.

Il s'agit de l'épilogue du procès de Victor-Manuel Jacinto Gonçalves, 49 ans, condamné en février dernier à un an de prison avec sursis pour la mort de la petite Mawda, mais qui a interjeté appel et a été rejugé il y a un mois à Mons (sud).

L'arrêt de la cour d'appel doit être rendu en début d'après-midi.

Le drame s'est produit la nuit du 16 au 17 mai 2018. Sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles, une camionnette transportant une trentaine de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) avait tenté d'échapper à vive allure à une voiture de police qui voulait l'intercepter.

Face au refus d'obtempérer, l'un des policiers avait sorti son arme par la fenêtre et visé, selon ses explications, "le pneu avant gauche" en doublant.

Mais un brusque coup de volant de son collègue avait dévié son tir vers l'habitacle du véhicule pourchassé, où Mawda installée derrière le chauffeur avec ses parents, avait été touchée d'une balle dans la tête. Elle était décédée dans l'ambulance.

Dans ce dossier, le policier auteur du tir, inculpé au bout d'un an et demi d'enquête et laissé libre, a rapidement reconnu avoir sorti son arme pour arrêter la course folle du véhicule.

Mais il assure n'avoir jamais su que des migrants se trouvaient à bord et s'est dit "anéanti" par la mort de la fillette.

"Cela fait trois ans que je ne vis plus", a dit M. Jacinto Gonçalves le 30 septembre lors du procès en appel.

Le ministère public a demandé la confirmation de la peine prononcée en première instance en février, à savoir un an avec sursis.

- "Graves dysfonctionnements" -

Accusé d'homicide involontaire, le policier encourt en théorie jusqu'à cinq ans de prison.

Laurent Kennes, son avocat, a plaidé l'acquittement ou à défaut une suspension du prononcé de la peine qui éviterait sa mention sur un casier judiciaire. Le fonctionnaire n'avait jamais eu affaire à la justice auparavant.

Mais "un acquittement dans ce dossier enverrait un désastreux message d'impunité totale aux policiers violents", a mis en garde le collectif "Justice4Mawda".

Ces militants des droits humains ont réclamé, en vain jusqu'à présent, la constitution d'une commission d'enquête parlementaire pour éclairer "les graves dysfonctionnements" de l'enquête.

Selma Benkhelifa, qui défend les parents de Mawda, s'est, elle, insurgée contre les "mensonges" de certains policiers et le traitement réservé à ses clients la nuit des faits. Ils ont été empêchés d'accompagner leur fillette dans l'ambulance après le tir mortel.

"Il y a eu un climat complètement délétère, raciste et déshumanisant dont mes clients ont été victimes", a accusé Me Benkhelifa lors du premier procès à Mons, fin 2020, déplorant une "chasse aux migrants" sous couvert de lutte contre le trafic d'être humains.

Ayant fui l'Irak en 2015, les parents de Mawda sont arrivés en Europe en traversant la Méditerranée. Au moment du drame, ils cherchaient un passage vers l'Angleterre. L'enquête a mis en évidence que leurs passeurs agissaient en partie depuis le sol belge, avec un véhicule récupéré dans la région de Liège (est).

Quant aux faits jugés, le tribunal correctionnel de Mons avait considéré en première instance que la faute du policier était "établie sans aucun doute".

L'objectif d'arrêter la camionnette pouvait être atteint "par d'autres moyens tels que la mise en place d'un barrage". Choisir de tirer, même en visant un pneu, revenait à "mettre gravement en danger les occupants de la camionnette voire les autres usagers de la route", avait souligné le jugement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.