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Entre le PKK et Ankara, sept mois de négociations pour tourner la page


Lundi 12 mai 2025 à 11h45

Istanbul, 12 mai 2025 (AFP) — Sa dissolution et le renoncement à la lutte armée, annoncés lundi par le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), résulte d'une initiative lancée à l'automne dernier par le gouvernement turc, qui alternait depuis encouragements et menaces.

Contre toute attente, c'est la formation la plus nationaliste du gouvernement, le MHP, qui a la première tendu la main aux combattants kurdes et à leur chef historique, Abdullah Öcalan, détenu depuis 26 ans sur l'île-prison d'Imrali, au large d'Istanbul.

Quatre mois plus tard, "Apo" comme le surnomment ses partisans (oncle, en kurde), appelait son mouvement à déposer les armes et à se dissoudre, arguant d'une nouvelle ère et d'une forme de combat révolue.

Le 22 octobre, le patron du MHP Devlet Bahceli propose de tourner la page en évoquant "le droit d'espérer" pour le vieux leader emprisonné, une formule empruntée à la Cour européenne des Droits de l'Homme.

- "La disparition du terrorisme" -

Il suggère de lever la détention à l'isolement d'Öcalan, en vigueur depuis 1999 et de l'inviter à annoncer, devant le Parlement, la fin du terrorisme et le démantèlement du PKK dont les derniers milliers de combattants sont repliés dans les montagnes de Qandil, dans le nord de l'Irak, depuis la sanglante bataille de Diyarbakir (sud-est) écrasée par l'armée turque en 2015.

"Ainsi, la question du terrorisme disparaitra de l'agenda du pays" professe-t-il.

Le lendemain, un attentat "préparé de longue date" selon ses commanditaires, vise les industries de défense à Ankara (cinq morts et 22 blessés) sans faire dérailler le processus.

Le même jour, Ömer Öcalan, neveu d'Adbullah Öcalan, est d'ailleurs autorisé à rendre visite à son oncle, une première depuis trois ans et demi.

Après une semaine de silence, le président Recep Tayyip Erdogan confirme à son tour, le 30 octobre, la "main tendue aux frères kurdes", parlant d'une "fenêtre d'opportunité historique".

Dès lors, le parti pro-kurde DEM, troisième force au Parlement, obtient à quatre reprises l'autorisation du ministère de la Justice de se rendre auprès du vieux chef, rompant son isolement politique.

De retour de sa première visite en dix ans, fin décembre, la délégation du DEM affirme avoir reçu l'appui d'Öcalan au processus de paix.

- "Responsabilité historique" -

Avançant une "responsabilité historique", il dit avoir "la compétence et la détermination nécessaires pour apporter une contribution positive au nouveau paradigme lancé par M. Bahceli et M. Erdogan".

En janvier, la délégation se rend auprès de l'ex-coprésident du DEM, Selahattin Demirtas, figure toujours charismatique du mouvement kurde, emprisonné à Edirne (ouest), qui promet "le soutien de toutes nos forces" à une solution politique.

Puis le 16 février, une délégation d'élus turcs kurdes est envoyée auprès des responsables de la région autonome du Kurdistan irakien pour leur remettre un message de M. Öcalan et recueillir leur appui.

Enfin, le 27 février, la délégation du DEM lit dans le salon bondé d'un grand hôtel d'Istanbul, un appel d'Abdullah Öcalan pour "la paix et une société démocratique": il ordonne au PKK de "déposer les armes" et de se réunir en congrès pour "se dissoudre".

Trois jours plus tard, le 1er mars, le comité exécutif du PKK, basé dans le nord de l'Irak, lui répond en proclamant "un cessez-le-feu immédiat" - observé de facto de longue date sur le territoire turc.

En retour, le président Erdogan menace de reprendre les opérations militaires si "les promesses ne sont pas tenues (...) ou retardées". Le ministère de la Défense exige le dépôt des armes "immédiatement et sans condition".

Rapidement, le PKK dénonce la poursuite des opérations militaires aériennes contre ses positions - "chaque jour, ils bombardent, chaque jour, ils attaquent" - arguant que "tenir un congrès dans ces conditions est impossible et dangereux", soutient un de ses dirigeants, Cemil Bayik sur la chaîne kurde Sterk TV.

Vendredi, l'agence prokurde ANF annonçait finalement que le Congrès s'était réuni entre 5 et le 7 mai dans les montagnes du nord de l'Irak, établissant même une liaison par vidéoconférence avec Öcalan.

Le PKK considère lundi, dans un long message, avoir accompli sa "mission historique" et que grâce à la lutte armée, "la question kurde est parvenue à un point où elle peut désormais être résolue par une politique démocratique".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.