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En Syrie, les forces kurdes luttent pour contrer un assaut de la Turquie


Jeudi 10 octobre 2019 à 16h29

Tall Tamr (Syrie), 10 oct 2019 (AFP) — Les forces kurdes en Syrie luttent jeudi pour contenir un assaut de la Turquie, au lendemain du lancement de l'offensive d'Ankara dans le nord-est du pays en guerre, faisant craindre une nouvelle crise humanitaire.

L'offensive de la Turquie a provoqué un tollé international et une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU est prévue jeudi.

Alors que les Occidentaux craignent une résurgence du groupe Etat islamique (EI), dont la défaite en Syrie est en grande partie due aux forces kurdes, le président français Emmanuel Macron a appelé la Turquie à "mettre un terme le plus rapidement possible" à son offensive.

Plus de 60.000 personnes ont été déplacées depuis mercredi par les violences, fuyant des secteurs directement à la frontière, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Juchés sur des camionnettes, emportant avec eux frigidaires, bonbonnes de gaz, matelas et gros sacs de jute bourrés d'affaires, des femmes et des enfants sont arrivés dans la ville de Tall Tamr, plus au sud et épargnée par les combats, a constaté un correspondant de l'AFP sur place.

L'objectif affiché de l'opération d'Ankara, menée avec des supplétifs syriens, est d'éloigner de la frontière la principale milice kurde de Syrie, les Unités de protection du peuple (YPG).

Partenaires des Occidentaux dans la lutte contre l'EI, les YPG sont considérées comme une organisation "terroriste" par Ankara, pour leurs liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

Mercredi soir, la Turquie a lancé son assaut terrestre et ses forces ont franchi la frontière, concentrant leurs opérations dans les secteurs frontaliers de Ras al-Aïn et de Tal Abyad, contrôlés par les forces kurdes.

Le ministère de la Défense turc a affirmé que l'opération avait été "menée avec succès durant la nuit, dans les airs et au sol". Des "cibles désignées" ont été "capturées", a-t-il souligné sur Twitter, sans plus de précisons.

Les forces turques ont conquis sept villages près de Ras al-Aïn et de Tal Abyad, d'après l'OSDH, qui rapporte des raids aériens turcs.

- "Désastre humanitaire" -

D'après les médias turcs, la Turquie envisage de prendre le contrôle de la bande entre Ras al-Aïn et Tal Abyad, longue de 120 kilomètres et profonde d'une trentaine de kilomètres.

"De violents affrontements" se déroulent jeudi dans ces zones, d'après un responsable des Forces démocratiques syriennes (FDS), alliance de combattants kurdes et arabes dominée par les YPG.

Depuis mercredi, au moins 23 combattants des forces kurdes et 9 civils ont été tués par les frappes aériennes et les tirs d'artillerie de l'armée turque, selon l'OSDH.

Pour Ankara, l'offensive doit permettre la création d'une "zone de sécurité" où pourront être installés une partie des 3,6 millions de réfugiés Syriens vivant sur son territoire.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a menacé jeudi d'ouvrir les portes de l'Europe à des millions de réfugiés en réponse aux critiques européennes contre l'offensive.

L'offensive, menée en coopération avec une coalition d'ex-rebelles financée et entraînée par Ankara, est la troisième de la Turquie en Syrie depuis 2016.

Elle ouvre un nouveau front dans un conflit qui a fait plus de 370.000 morts et des millions de déplacés depuis 2011.

L'ONG Save The Children a mis en garde contre "un désastre humanitaire imminent". "Avec l'hiver qui approche, ils devront faire face à des défis supplémentaires", prévient-elle.

- "Reconstruire son califat" -

Sans aviation, il semble difficile pour les FDS de résister à l'armée turque. "Les FDS ne peuvent pas défendre toute la frontière", estime Nicholas Heras, analyste au centre de réflexion Center for New American Security.

"La vraie interrogation, c'est jusqu'où peut aller la progression de la Turquie avant son arrêt par des acteurs régionaux ou internationaux", ajoute-t-il.

Accusé d'avoir trahi ses alliés kurdes, le président américain Donald Trump avait tenté de justifier le feu vert donné à Ankara avec le retrait de soldats américains de certaines zones frontalières en Syrie, juste avant le début de l'opération.

Confronté au tollé international, M. Trump a espéré que son homologue turc agirait de manière "rationnelle" et "humaine", promettant "d'anéantir" l'économie de la Turquie en cas d'offensive "injuste".

L'offensive a été condamnée par plusieurs pays occidentaux, qui craignent l'incertitude quant au sort des milliers de jihadistes prisonniers des FDS.

"Ce risque d'aider Daech (acronyme arabe de l'EI) à reconstruire son califat, c'est la responsabilité que prend la Turquie", a dénoncé jeudi Emmanuel Macron.

Selon l'administration semi-autonome kurde, des bombardements turcs ont touché mercredi une prison abritant des jihadistes étrangers de l'EI.

De son côté, Téhéran, puissant allié du pouvoir de Bachar al-Assad, a réclamé une "cessation immédiate" de l'opération. La Russie, principal soutien de Damas, a souligné la "nécessité d'établir un dialogue" entre Ankara et le régime syrien.

Damas qui a dénoncé les "ambitions expansionnistes" de la Turquie, voit d'un mauvais oeil l'autonomie de facto établie par la minorité kurde, qu'elle s'est dit prête à accueillir dans son giron.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.