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En Syrie, combattants kurdes et étrangers coordonnent la bataille vers Raqa


Lundi 14 novembre 2016 à 13h17

Al-Houriya (Syrie), 14 nov 2016 (AFP) — Sur le toit d'un immeuble de la province syrienne de Raqa, un membre de la coalition internationale antijihadistes menée par les Etats-Unis scrute les combats contre le groupe Etat islamique (EI) à travers ses jumelles, aux côtés d'un commandant kurde.

Depuis le lancement le 5 novembre d'une offensive pour reprendre aux jihadistes la ville de Raqa, leur "capitale" de facto en Syrie, quelques dizaines de soldats étrangers prêtent main forte au quotidien aux combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS), l'alliance arabo-kurde qui mène la lutte sur le terrain.

Les journalistes de l'AFP ont pu voir dans les zones de combat des soldats portant un écusson américain ainsi que des militaires parlant français.

Mais ces hommes de différentes nationalités préfèrent rester dans l'ombre. Certains demandent au photographe de l'AFP de cesser de prendre des clichés et de quitter le lieu.

Selon des sources au sein des FDS, il y aurait environ 50 militaires étrangers impliqués dans l'opération. Leur mission principale: guider à partir du sol les avions de la coalition qui frappent l'EI.

La coalition a refusé de fournir des indications sur le nombre et la nationalité de ses forces au sol, mais a confirmé qu'elles jouaient un vaste rôle dans la bataille pour Raqa.

"Conformément aux engagements de la coalition de conseiller, assister et accompagner les FDS, il nous a été demandé d'aider dans la planification opérationnelle, dans la coordination des frappes aériennes, dans le mouvement des troupes, dans la formation et la fourniture d'équipements aux FDS", a déclaré à l'AFP un porte-parole.

- Guider les avions -

Près du village d'al-Houriya, à une quarantaine de kilomètres au nord de Raqa, les combattants des FDS "calculent la distance les séparant des mercenaires (de l'EI) et décèlent les sources des bombardements", explique à l'AFP un commandant des FDS, Ahmad Othman, au milieu du crépitement des talkie-walkies.

"Puis, ils nous envoient la localisation qu'on transmet à notre tour aux forces de la coalition afin que les cibles soient frappées", ajoute-t-il, avec à ses côtés un conseiller étranger scrutant à la jumelle les combats dans la localité voisine d'al-Hicha.

Même coordination pour lutter contre les voitures piégées utilisées par les jihadistes.

"Parfois, nous les affrontons avec nos armes et parfois nous transmettons leur localisation aux avions qui les frappent", explique le commandant Othman.

La coalition internationale a commencé ses frappes contre l'EI en Syrie en septembre 2014. Sa coopération avec les FDS exaspère la Turquie, qui considère les miliciens kurdes comme des "terroristes".

Selon un autre commandant des FDS, Akid Kobani, dont les combattants foncent vers le front en dépit de tirs ennemis au mortier, les raids sont un bon moyen pour frapper avec précision l'ennemi tout en minimisant les pertes parmi les civils.

Sur la route vers al-Houriya, à moins de deux km du village d'al-Hicha, un drapeau blanc flotte sur une maison pour prévenir l'aviation de la coalition de la présence de civils. Plus loin, des maisons sont entièrement détruites.

- L'EI parmi les civils -

Ahmad Othman assure que les FDS et la coalition travaillent en étroite collaboration pour éviter les victimes civiles.

La semaine dernière, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) avait pourtant fait état de la mort de 20 civils dans le village d'al-Hicha à la suite de frappes de la coalition. L'information avait été démentie par les FDS, la coalition annonçant enquêter sur ces allégations.

Pour Akid Kobani, "le plus grand danger" est l'utilisation par l'EI de civils comme "boucliers humains".

Dans un camp de déplacés aux abords de Aïn Issa, à 50 km au nord de Raqa, Amcha, 38 ans, explique en utilisant un acronyme en arabe de l'EI comment "les frappes visent Daech mais Daech se cache même parmi les enfants".

"Nos enfants ont très peur des avions. J'ai une petite fille qui crie +avions! avions!+ quand elle les voit dans le ciel et court ensuite se cacher", indique cette mère de famille.

Ghada, une jeune femme d'une vingtaine d'années raconte elle ses déboires avec les jihadistes. L'EI "cachait les voitures piégées à l'intérieur de nos maisons pour que les avions ne puissent pas les voir".

"Les jihadistes nous disent qu'ils ne craignent pas la mort alors pourquoi vont-ils s'en faire si des civils meurent avec eux", ajoute-t-elle.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.