Vendredi 14 février 2025 à 11h27
Stockholm, 14 fév 2025 (AFP) — Les motivations de l'auteur de la pire fusillade de Suède ne seront peut-être jamais connues, mais l'origine des victimes, qui venaient presque toutes de l'étranger, alimente les inquiétudes des immigrés, dix jours après la tragédie.
Rickard Andersson, 35 ans, a ouvert le feu le 4 février dans un centre d'enseignement pour adultes d'Örebro, le campus Risbergska, tuant 10 personnes avant de retourner l'arme contre lui.
L'origine des victimes a rapidement émergé. Leurs noms, accompagnés de photos, circulent depuis dans la presse suédoise et sur les réseaux sociaux.
Il s'agit de Salim Iskef, Syrien de 28 ans, aide-soignant, arrivé en Suède en 2015. De Niloofar Dehbaneh, 46 ans, aide-soignante iranienne dans le pays scandinave depuis 2011. D'Elsa Teklay, 32 ans, aide-soignante, arrivée en 2015 d'Erythrée.
Bassam Al Sheleh, 48 ans, boulanger, avait quitté le Liban il y a neuf ans. Ali Mohammed Jafari avait 31 ans. Kamar, 38 ans, était arrivée en Suède pour fuir la guerre civile en Somalie il y a 17 ans.
Aziza, 68 ans, d'origine kurde, enseignait les mathématiques au campus Risbergska.
Les trois autres femmes victimes n'ont pas été nommées dans les médias. L'une, 55 ans, était d'origine bosniaque.
-"Nous sommes des élèves"-
Mirna Issa, 31 ans, était en cours de suédois pour étrangers à Risbergska lorsque les premiers coups de feu ont retenti à la mi-journée.
"Pourquoi? Nous ne sommes que des élèves, les élèves ne font rien" de mal, s'interroge auprès de l'AFP le lendemain la mère de famille, venue avec son conjoint et sa fille déposer quelques fleurs près du site.
Le campus Risbergska propose des cours de suédois pour étrangers (SFI, Svenska för invandrare), ainsi que d'autres cours issus de l'enseignement secondaire. Ces centres, présents dans toute la Suède, sont destinés aux adultes souhaitant compléter leur scolarité ou se réorienter.
Margaretha, 68 ans, retraitée, rend elle aussi hommage aux défunts, au troisième jour de la tuerie. Quand elle a entendu parler de la fusillade, elle a aussitôt pensé à un possible motif raciste.
"Il y a beaucoup d'immigrés qui viennent ici pour apprendre le suédois, apprendre un métier. C'est vraiment terrible, il n'y a pas de mots", lâche-t-elle, vêtue d'un manteau noir, lunettes de soleil sur le nez.
La police a donné très peu d'indices sur le mobile du tueur, mais a affirmé dès le lendemain que "tout indique qu'il a agi sans motif idéologique", avant de présenter ses excuses peu après, sous la pression de nombreuses critiques, pour cette "formulation malheureuse".
Le mobile raciste est examiné par la police.
"C'est le cas depuis que nous avons compris qui étaient les victimes. Nous avons inclus le critère de l'ethnicité dans notre enquête. Ce que nous avons dit, c'est que nous n'avons pas trouvé d'autres éléments indiquant un motif idéologique, mais nous restons ouverts à ce sujet", a justifié sur la chaîne SVT Niclas Hallgren, policier de la région Bergslagen où se trouve Örebro.
- "Vulnérabilité" -
Annie Boroian, assistante sociale engagée dans la lutte antiraciste depuis plusieurs années, a remarqué depuis la fusillade l'inquiétude des immigrés et personnes d'origine étrangère.
"De nombreuses personnes se sentent exclues (de la société suédoise). Il y a beaucoup de préjugés, beaucoup ont fait l'expérience du racisme", estime-t-elle auprès de l'AFP.
"Ils sont souvent pointés du doigt" par le gouvernement de centre-droit soutenu par le parti d'extrême droite Démocrates de Suède, ajoute Mme Boroian.
Dirigeants politiques et couple royal se sont déplacés à Örebro dès le lendemain de la tuerie.
Magdalena Andersson, cheffe de file de l'opposition -- dont le parti social-démocrate prône également une réduction drastique de l'immigration --, a été interpellée devant les caméras par une femme qui lui a lancé: "Parlez de nous, les immigrés, en termes positifs".
Dans un discours prononcé dimanche, le Premier ministre Ulf Kristersson a admis comprendre les inquiétudes des "personnes d'origine étrangère qui témoignent d'un sentiment de vulnérabilité particulière".
"Elles (les victimes) venaient de différents endroits du monde et avaient différents rêves (...) Elles étaient à l'école pour poser les bases d'un avenir qui leur a maintenant été enlevé", a-t-il dit.
L'enquête pourrait durer jusqu'à un an, et le mobile de l'auteur pourrait ne jamais être éclairci.
Rickard Andersson était un chômeur reclus, vivant isolé dans son appartement depuis 2016, "avec peu de contacts d'autres personnes", et n'a laissé que peu de traces, notamment numériques, derrière lui.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.