Samedi 18 mars 2023 à 09h04
Téhéran, 18 mars 2023 (AFP) — Des millions d'Iraniens ont commencé à partir en vacances pour célébrer en famille le Nouvel an persan, Norouz, mais les festivités devront s'adapter au début du mois du jeûne du ramadan, dont les dates coïncident cette année.
C'est précisément mardi à 00H54 et 26 secondes (21H24 GMT lundi) que les Iraniens fêteront l'entrée dans l'année 1402 du calendrier persan, à l'heure astronomique précise de l'équinoxe du printemps.
Au total, ce sont quelque 300 millions de personnes qui se souhaiteront "Bonne année" ("Norouz mobarak" en persan) en Iran, en Afghanistan, au Kazakhstan mais aussi chez les Kurdes en Turquie ou en Irak.
En Iran, cette fête célébrée depuis quelque 3.000 ans met le pays à l'arrêt pendant près de deux semaines. Téhéran se vide de ses habitants qui partent aux quatre coins de l'immense pays, des côtes de la mer Caspienne au nord à celles du Golfe au sud.
"Pendant 15 jours, on essaie d'oublier les difficultés du quotidien en prenant du bon temps autour de repas préparés avec soin et en offrant des cadeaux à la famille et aux amis", résume Laleh, une étudiante qui repart de Téhéran pour sa ville de Tabriz (nord-ouest).
Bien que considérée comme une fête païenne, Norouz n'a jamais été réellement remise en cause par la République islamique arrivée au pouvoir en 1979.
"Il ne fait aucun doute que Norouz est une fête nationale qui existait avant l'islam. Mais elle ne contredit aucun des enseignements musulmans", affirme Mohsen Alviri, religieux chiite et historien de la religion. "Norouz accorde une attention à la préservation de la nature et met l'accent sur l'élimination des rancoeurs entre les personnes, le respect des aînés, la visite aux parents... Ce sont des valeurs qui sont fortement recommandées par l'islam", ajoute-t-il.
- Dilemme -
Néanmoins, les musulmans, soit la quasi-totalité des 85 millions d'Iraniens, devront cette année concilier ces traditions avec les obligations du ramadan, qui doit débuter le 22 ou 23 mars pour un mois durant lequel ils sont invités à s'abstenir de manger et boire de l'aube au crépuscule.
Le dilemme se posera notamment pour la clôture des festivités, 12 jours après le Nouvel an, marquée par le Sizdeh Bedar, ou "jour de la nature", durant lequel les Iraniens vont pique-niquer dans la verdure.
L'expert religieux Mohsen Alviri conseille de se rassembler mais "sans manger" et d'"attendre l'heure de la rupture du jeûne". "Dans la jurisprudence chiite, si les fidèles parcourent une certaine distance depuis leur ville de résidence, ils sont considérés comme des voyageurs et peuvent ne pas jeûner", rappelle-t-il par ailleurs.
Les autorités feront-elles preuve de tolérance? L'an dernier, le procureur général, Mohammad Jafar Montazeri, avait rappelé que "ceux qui ne jeûnent pas pour une raison ou une autre" étaient susceptibles d'être punis.
Même le fait de manger dans sa voiture, qui "n'est pas considérée comme un espace privé", est passible de sanction, avait-il rappelé.
En attendant Norouz, certains Iraniens disent ne pas avoir l'esprit à la fête après une année difficile marquée par une forte inflation, de l'ordre de 50%, et par le mouvement de contestation ayant secoué le pays après la mort de Mahsa Amini le 16 septembre à la suite de son arrestation pour ne pas avoir respecté le code vestimentaire de la République islamique, strict pour les femmes.
Dans le bazar de Tajrish, dans le nord de Téhéran, Razieh, une femme au foyer quinquagénaire, se contente de regarder les échoppes qui débordent de produits colorés pour Norouz. "Je demande les prix, mais sans être capable d'acheter grand chose", regrette-t-elle.
"J'ai toujours été enthousiaste pour Norouz mais je suis tellement dépitée cette année que je n'ai même pas acheté un poisson rouge et un pot de pousses de blé", deux des objets symboliques de la fête, se désole aussi Effat, une retraitée âgée de 75 ans.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.