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En Iran, la vague d'arrestations n'épargne personne, pas même les célébrités


Lundi 10 octobre 2022 à 13h09

Paris, 10 oct 2022 (AFP) — Un footballeur international, un influent blogueur de la tech ou encore une femme en train simplement de prendre son petit-déjeuner : en Iran, la menace d'arrestation pèse sur toute personne suspectée de critiquer le régime, y compris les célébrités, surtout au moment où des manifestations secouent le pays.

L'Iran est en effet le théâtre de vives protestations depuis la mort le 16 septembre de Mahsa Amini, une jeune femme kurde iranienne de 22 ans, décédée trois jours après son arrestation par la police des moeurs à Téhéran pour avoir, selon celle-ci, enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique pour les femmes, prévoyant notamment le port du voile.

Comme déjà par le passé, les autorités ont brutalement réprimé les manifestations, tuant plusieurs dizaines de personnes en quelques jours, selon plusieurs ONG. Mais en parallèle, elles ont aussi procédé à un nombre croissant d'arrestations, ciblant notamment celles et ceux ayant relayé des vidéos des affrontements ou publié des messages anti-régime sur les réseaux sociaux.

Selon l'ONG Center for Human Rights in Iran (CHRI), au moins 1.200 personnes ont déjà été arrêtées, dont 92 membres de la société civile qui n'ont pas été interpelés dans les rues lors de manifestations mais arbitrairement appréhendés à leur domicile ou sur leur lieu de travail.

"Il y a eu des arrestations massives" visant tout particulièrement "des activistes culturels, des militants pour les droits des femmes et des journalistes. Toute personne susceptible de transmettre des informations au monde extérieur ou aux réseaux en interne", a affirmé Roya Bouroumand, cofondatrice du centre Abdorrahman Boroumand basé à Washington, qui milite pour les droits humains en Iran.

- Arrestations par milliers -

Les manifestations actuelles et la réaction des autorités semblent d'une nature différente par rapport à la dernière vague de protestations en novembre 2019, durant laquelle l'ONG Amnesty International avait accusé le régime d'avoir tué au moins 321 personnes en à peine une semaine de répression particulièrement brutale.

Aujourd'hui, la contestation est disséminée à travers tout le pays, tous les groupes sociaux de la société iranienne et dure surtout depuis plus de trois semaines. En outre, elle prend diverses formes : manifestations dans les rues, marches étudiantes ou encore actes individuels de défiance, à l'image de ces femmes retirant, parfois même brûlant purement et simplement leur voile.

La principale tactique des autorités "consiste actuellement à détenir des centaines, voire des milliers de personnes", affirme Shadi Sadr, directrice exécutive de l'ONG Justice for Iran, basée à Londres et qui vise à documenter les violations des droits de l'Homme au sein de la république islamique.

Pour l'heure, "ils ne tuent pas autant qu'ils en sont capables, bien qu'ils puissent le faire dans un proche avenir. Mais en détenant 100 personnes considérées à tort ou à raison comme des figures de proue de ces manifestations, ils croient qu'ils peuvent contrôler les manifestations afin qu'elles s'éteignent lentement et progressivement", ajoute Mme Sadr.

"S'ils concluent que cette tactique ne fonctionne pas, ils sont capables de recourir à des moyens définitifs et décisifs. Il faut nous préparer à cela", met-elle en garde.

- Footballeurs et artistes aussi visés -

Avant même la vague actuelle d'arrestations, l'Iran était déjà en proie à une répression qui avait conduit à l'arrestation de personnalités éminentes, tels les cinéastes Jafar Panahi et Mohammad Rasoulof lesquels sont à l'heure actuelle toujours sous les verrous.

La liste des personnes arrêtées comprend des athlètes, des artistes, des journalistes, des avocats, des activistes, des experts en technologie ainsi que des étudiants et de simples citoyens au sein de la société.

À titre d'exemple, le footballeur international Hossein Mahini a été placé en détention pour avoir affiché son soutien aux manifestations, de même que l'artiste Shervin Hajipour, connu pour sa chanson "Baraye" soutenant le mouvement et ayant fait près de 40 millions de vues sur Instagram. Dimanche, apparaissant pour la première fois en vidéo depuis sa libération sous caution mardi, ce dernier a affirmé qu'il voulait seulement "exprimer sa sympathie" envers les manifestants.

Cette campagne a aussi touché un influent blogueur spécialisé dans les technologies, Amiremad Mirmirani, mieux connu sous le pseudo "Jadi", arrêté à son domicile le 5 octobre par des agents de sécurité.

"Cette répression contre les experts en technologie montre de manière effrayante qu'aucune voix ou forme d'expression n'est épargnée", ont dénoncé plusieurs organisations de défense des droits humains, dont le groupe de défense de la liberté d'expression Article 19.

Une jeune iranienne, Donya Rad, a même été arrêtée fin septembre et détenue une dizaine de jours après être apparue sur une photo devenue virale sur les réseaux sociaux, la montrant, elle et une amie, en train de prendre un petit-déjeuner à Téhéran sans foulard sur leurs cheveux.

"Ce n'est pas une répression, c'est une tentative d'anéantir la société civile", a déclaré Hadi Ghaemi, directeur exécutif de la CHRI. "Le gouvernement iranien ne cesse de révéler qu'il est terrifié par son propre peuple".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.