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En Iran, la première femme à diriger un orchestre symphonique fait naître des vocations


Samedi 15 novembre 2025 à 05h01

Téhéran, 15 nov 2025 (AFP) — Une certaine excitation traverse la salle de concert Vahdat, en plein coeur de Téhéran, lorsque Paniz Faryoussefi, baguette en main, monte sur le podium pour diriger son orchestre composé d'une cinquantaine de musiciens.

Elle porte une longue robe sombre et une écharpe noire scintillante couvrant ses cheveux, conformément à la loi iranienne qui oblige les femmes à se voiler.

A 42 ans, Paniz Faryoussefi entre dans l'histoire de son pays en dirigeant le principal orchestre de Téhéran, qui a pour résidence la salle Vahdat, prestigieux théâtre dans le centre de la capitale.

Un signe rare et porteur d'espoir dans un pays où les femmes restent soumises à de fortes restrictions, y compris dans le domaine musical.

Après les vastes manifestations qui ont secoué l'Iran pendant plusieurs mois en 2022, à la suite de la mort d'une jeune Kurde en détention, arrêtée pour non-respect du strict code vestimentaire, le gouvernement avait assoupli certaines restrictions concernant la présence des femmes dans la société. Cela intervient aussi après la guerre de douze jours qui a opposé l'Iran à Israël en juin dernier.

Et ce relâchement se perçoit lors du concert: de nombreuses femmes assistent à la représentation tête nue, malgré l'obligation toujours en vigueur imposée par les autorités.

"Quand je suis montée sur scène, j'ai vu que tous les regards étaient tournés vers moi, et j'ai ressenti une immense responsabilité", confie-t-elle à l'AFP après la représentation.

"Diriger une formation exige autant d'énergie mentale que physique", souligne l'artiste, visiblement fière de son travail.

-"Portail vers l'émancipation"-

Dans la salle, de nombreuses jeunes femmes présentes l'encouragent avec enthousiasme: elles semblent conscientes d'assister à un moment inédit.

Les musiciennes iraniennes n'ont pas le droit de chanter devant des hommes et, dans certaines villes conservatrices, de se produire sur scène avec un instrument.

Née au sein d'une famille d'artistes, encouragée par sa mère depuis l'enfance, Paniz Faryoussefi rêvait déjà de diriger une formation symphonique.

"Les jeunes filles doivent persévérer et poursuivre leurs rêves", soutient-elle.

Lors du concert du soir, son orchestre joue un répertoire allant de l'Autrichien Franz Schubert au Finlandais Jean Sibelius, en passant par le Soviétique Aram Khatchatourian.

"J'espère qu'il s'agit d'une nouvelle ère pour les jeunes iraniennes et qu'elles comprendront que face aux risques, il ne faut pas avoir peur", lance la musicienne. "C'est le seul portail vers l'émancipation".

"Un ami a vu dans la salle une petite fille qui imitait mes gestes. Il pensait qu'un rêve était déjà ancré en elle, qu'elle se disait qu'elle aussi pourrait un jour accomplir la même chose", raconte l'artiste, émue.

-"Début d'un mouvement"-

A Téhéran, les deux représentations ont attiré de nombreux spectateurs.

Saïd Shourabi, 53 ans, employé dans l'industrie métallurgique et peu habitué des salles de concert, a tenu à venir encourager une femme à la tête de l'orchestre. Sa fille lui a offert des places.

"En Iran, les femmes ont toujours été limitées et n'ont pas pu exprimer pleinement leurs talents, même si je suis convaincu qu'elles sont tout aussi capables que les hommes", affirme-t-il.

"J'espère que c'est le début d'un mouvement pour les femmes iraniennes, qu'elles gagneront en confiance et pourront s'épanouir dans la musique", ajoute-t-il. "Bien sûr, elles doivent disposer de l'espace et des possibilités nécessaires pour se produire".

Fariba Aghaï, 44 ans, coiffeuse, se dit extrêmement ravie qu'une femme dirige un orchestre.

"Les Iraniennes n'ont pas suffisamment d'opportunités de se produire en musique et, par exemple, ne peuvent pas chanter en public ni publier leurs chansons", regrette-t-elle.

Pourtant, "elles ne doivent pas se sous-estimer et doivent savoir qu'elles sont capables de tout".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.