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En Irak, une ville kurde transformée en "prison" par le conflit Turquie-PKK


Samedi 22 octobre 2011 à 13h47

SHILA DIZA (Irak), 22 oct 2011 (AFP) — L'offensive menée depuis mercredi par l'armée turque contre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak a transformé la petite ville de Shila Diza, à l'extrême nord du pays, en "prison", se désolent ses habitants.

Ankara cherche à venir à bout du PKK après la mort de 24 soldats turcs mardi et a lancé ce que le ministre de l'Intérieur turc Idris Naim Sahin a décrit comme "l'une des plus vastes opérations visant à en terminer avec l'organisation terroriste".

Environ 10.000 soldats d'élite seraient impliqués dans des opérations massives sur terre et par air dans le nord de l'Irak et en Turquie, même si, selon Ankara, le principal théâtre des opérations se trouve en territoire turc.

A la mi-août, l'aviation turque avait déjà lancé dans le nord de l'Irak une campagne de raids aériens contre des repaires de rebelles kurdes, les premiers depuis un an.

Pour les habitants de Shila Diza, une ville d'environ 10.000 habitants dans la région reculée de Dohouk, à quelque 400 km au nord de Bagdad, les opérations turques signifient qu'ils ne peuvent plus traverser les montagnes situées au nord de la ville pour accéder à leurs fermes proches de la frontière.

"C'est comme si nous vivions dans une grande prison: on ne peut pas bouger", explique Nihad, un chauffeur de taxi de 36 ans. "Les gens restent en ville".

"Les Turcs (...) ne font pas de distinction entre les combattants et les civils", explique-t-il, appelant le PKK à quitter l'Irak afin que les villages frontaliers détruits ou abandonnés puissent être reconstruits et que la vie retourne à la normale.

Les belligérants sont présents à quelques kilomètres à peine de Shila Diza et des tirs peuvent être entendus certains jours, affirment les habitants.

La vie "s'en trouve affectée de multiples façons. Les gens ne peuvent pas sortir de la ville pour aller dans les montagnes", souligne Hajji, un vendeur de fruits et légumes de 40 ans.

"Pour l'armée turque, cela ne fait aucune différence de tuer un (membre du) PKK ou nous: nous sommes quand même des Kurdes", se lamente-t-il.

Abdallah, 33 ans, qui travaille comme apiculteur, a renoncé depuis de longues semaines à se rendre dans sa ferme, située à environ 20 km de la ville, à cause des frappes aériennes turques. Là-bas, "tout est brûlé et j'ai fait tous ces efforts pour rien", déplore-t-il.

La femme de son frère a été tuée par un précédent bombardement turc en 1994 sur Shila Diza, raconte-t-il. "Il n'y a aucune garantie que cela ne se reproduise pas à chaque fois qu'un avion de chasse passe", note-t-il.

Pour autant, relève-t-il, "la faute n'en incombe pas qu'aux Turcs". "Les Turcs, le PKK et le gouvernement local doivent trouver une solution à cela, à ce qui m'arrive à moi et à d'autres gens".

Souleiman, 24 ans, tirait son principal revenu de sa ferme, à 25 km de la ville, mais il n'a pu s'y rendre "depuis environ trois mois".

"Nous faisons face quotidiennement à des frappes aériennes derrière cette montagne", dit-il en désignant le nord. "Nous avons peur, nous ne pouvons pas y aller (...) Hier soir, ils ont bombardé jusqu'à deux heures du matin", souligne-t-il.

Malgré cela, il dit ne pas en vouloir aux combattants du PKK: "Les Turcs n'ont pas le droit de venir dans mon pays et de bombarder ma région. Ce sont les Turcs qui sont l'ennemi", lance-t-il.

"Je voudrais que ce problème disparaisse, par des négociations (...) Je voudrais juste que cela se fasse pour que tout le monde puisse retourner dans sa ferme".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.