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Emilie König, "égérie" française de l'Etat islamique, renvoyée devant les assises spéciales


Lundi 20 octobre 2025 à 22h06

Paris, 20 oct 2025 (AFP) — Elle était une "égérie" du groupe Etat islamique (EI) en Syrie: la jihadiste française Emilie König, 40 ans, est renvoyée devant une cour d'assises spéciale, pour association de malfaiteurs terroriste criminelle.

Des juges d'instruction parisiens ont décidé ce renvoi le 16 septembre, a indiqué à l'AFP une source judiciaire, confirmant une information du quotidien régional Ouest-France.

Un renvoi conforme aux réquisitions prises le 29 juillet par le Parquet national antiterroriste (Pnat) qui la présentait comme une "véritable égérie" du groupe EI: elle a passé dix ans en Syrie, dont cinq détenue.

Selon des éléments de son réquisitoire définitif obtenus par l'AFP, le Pnat reproche à cette femme née à Lorient d'être sciemment restée sur place pendant les pires exactions de l'EI en zone irako-syrienne, et d'y avoir agi comme "recruteuse, entremetteuse et propagandiste".

En 2014, l'ONU l'avait placée sur sa liste des combattants les plus dangereux, relevant notamment des vidéos où elle s'entraînait au maniement d'un fusil et encourageait "à commettre des actes violents" dans l'Hexagone contre des institutions ou des épouses de militaires.

Emilie König est incarcérée en France depuis son rapatriement de la Syrie en juillet 2022.

Après une radicalisation progressive, cette Bretonne était partie en Syrie en 2012, sans ses deux enfants nés en France, pour rejoindre un homme épousé religieusement, issu d'une filière jihadiste nîmoise, et tué par la suite dans une offensive de l'EI.

Sur place, elle a trois autres enfants nés en 2015 et 2017, "répondant au projet social et démographique prôné par l'EI" selon le parquet.

- Grande "influence" -

Fin 2017, au moment où l'EI est en pleine déroute, Emilie König est arrêtée par les forces kurdes en Syrie qui la placent dans un camp de prisonniers jihadistes du nord-est du pays.

Rencontrée par l'AFP dans le camp de Roj en avril 2021, soit trois mois après le départ de ses enfants vers la France où ils ont été placés, elle disait vouloir "reprendre une vie professionnelle" et récupérer ses enfants, exprimait des "regrets", tout en imaginant échapper à la prison, car elle n'aurait "pas de sang sur les mains".

Début juillet 2022, elle a été rapatriée parmi un groupe de 16 mères françaises, lors d'un premier retour massif de femmes et d'enfants français depuis la chute en 2019 du "califat" de l'EI.

Dans son réquisitoire définitif, le Pnat estime qu'Emilie König a "massivement alimenté" ses réseaux sociaux de messages pro-EI. L'accusation lui prête "une influence voire une implication dans le départ de certaines femmes" vers la zone irako-syrienne.

- "Idéologie extrêmement radicale" -

Le parquet assure aussi qu'elle avait manifesté à l'époque le souhait de combattre, d'intégrer la "police de la charia pour femmes" au service "des exécutions" puis des "interrogatoires" et même de mourir en martyr. Soit, de longue date et avant même son départ en Syrie, "une idéologie extrêmement radicale", selon le Pnat.

En avril 2017, Emilie König écrit à sa mère: "Si je reviens en France, c'est pas pour faire un joli sourire (...) ! C'est pour me faire SAUTER sur les ennemis d'Allah, T'AS BIEN COMPRIS, comme mes frères au Bataclan, comme au stade de France".

Mais la jihadiste dit avoir amorcé un changement après une blessure en juillet 2017, dans un bombardement à Raqqa.

"J'ai fait de mauvais choix, mais c'est ainsi fait", écrit-elle en août à sa "moune", auparavant qualifiée de "mécréante".

"Si je suis rentrée, c'est pour réparer tout ça, récupérer mes enfants et travailler", affirme-t-elle encore lors de sa mise en examen en France à l'été 2022.

Par la même ordonnance du 16 septembre, les magistrats instructeurs ont décidé le renvoi de Sterenn D. pour le délit connexe d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme.

Cette femme, maintenue libre sous contrôle judiciaire, est présentée par le Pnat comme acquise à l'idéologie jihadiste. Elle aurait assuré depuis la France "un véritable appui logistique et financier au long cours" à Emilie König.

Contactés par l'AFP, l'avocat d'Emilie König, Me Emmanuel Daoud, et celui de Sterenn D., Me Matthieu Bagard, n'étaient pas disponibles dans l'immédiat.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.